- Barza Wire - https://wire.farmradio.fm -

Nigéria: Des agriculteurs lésés par des engrais subventionnés (Daily Trust)

Durant le Ramadan, beaucoup de musulmans jeûnent et prient, et essaient d’éviter la chaleur de mi-journée en se reposant dans des endroits ombragés et frais. Cependant, cette année, durant le Ramadan, Abubakar Jibrin s’est rendu plusieurs fois, à vélo, à un point de distribution de Kembu, sous un soleil brûlant. Ce jeune agriculteur de la ville de Kumo, dans l’état de Gombe (dans le nord du Nigéria), a fait le voyage pour tenter d’obtenir deux sacs d’engrais subventionné par le gouvernement.

M. Jibrin plante du riz, du maïs, du millet et des arachides sur ses deux hectares de terrain. Ces cultures requièrent environ six sacs de 50 kilogrammes d’engrais chaque saison. Au prix de marché de 6000 naira (38$ US) par sac, cela lui coûterait 36 000 nairas (228$ US) pour acheter la quantité requise.

M. Jibrin s’est inscrit à un programme d’engrais subventionné par le gouvernement fédéral, le Growth Enhancement Support (GES), qui devait lui permettre d’acheter deux sacs à 2750 naira l’unité (17$ US). Mais il n’a pas pu avoir d’engrais, même après avoir fait trois fois le voyage de douze kilomètres aller-retour.

Frustré, il a cessé de se rendre à Kembu pour chercher de l’engrais, et a été obligé d’acheter quelques sacs localement, au prix de marché. Il dit: « Même quand ils viennent pour la distribution, ils ne respectent pas l’ordre de remise. Ils donnent simplement de l’engrais aux gens qui ne font pas la queue (…) même si ce ne sont pas des agriculteurs inscrits. »

Babajide Awoyelu, un agriculteur de Kajola Ijesha, dans l’État d’Osun (sud-ouest du Nigéria), a eu une expérience similaire. En février, il s’est inscrit au GES.

M. Awoyelu dit: « Ils ont promis qu’ils nous donneraient deux sacs d’engrais, des semences de légumes et des produits chimiques mais ils persistent à dire que les denrées ne leur ont pas été livrées. J’ai arrêté d’y aller parce que j’ai vu qu’ils nous trompaient. »

Le gouvernement fédéral et les gouvernements des États sont supposés subventionner l’engrais par le biais du GES, de sorte que les agriculteurs puissent en acheter à la moitié du prix du marché. Chaque agriculteur est sensé recevoir deux sacs d’engrais au taux subventionné, ainsi qu’un sac gratuit de maïs ou de riz.

En lançant le programme en 2011, le Ministre de l’agriculture, Akinwumi Adesina, a dit qu’il était conçu pour juguler la corruption dans le système de distribution des engrais. Une bonne partie était détournée par des fonctionnaires puis vendue ou donnée à des politiciens ayant des relations. Le gouvernement a perdu près de cinq milliards de dollars US entre 1980 et 2010.

En théorie, le système du GES vise à éliminer les intermédiaires, court-circuiter les fonctionnaires fraudeurs et vendre de l’engrais directement aux agriculteurs. Le gouvernement a autorisé un processus selon lequel les commerçants vendent les intrants aux agriculteurs inscrits.

Osho Akinbolawa est le directeur en charge du GES pour le gouvernement fédéral. Il dit: « Je suis absolument sûr que nous avons dépassé les 80 pour cent, en ce qui concerne l’atteinte de nos objectifs. »

Une enquête récente a montré qu’aucun des centres officiels ne vendait au prix subventionné. Partout dans le pays, on demandait aux agriculteurs de payer plus, les fonctionnaires leur expliquant que le montant additionnel visait à couvrir les frais de transport et de stockage.

Malgré les défis que le système GES a eu à relever, certains agriculteurs disent quand même que le nouveau système est bien meilleur que l’ancienne méthode de distribution d’engrais, vu qu’il est plus efficace et moins corrompu.

Abdullahi Sule est un agriculteur handicapé de l’État de Bauchi qui a bénéficié du système GES. Il a fait l’éloge du gouvernement fédéral pour l’avoir mis en place. M. Sule dit: « Je suis extrêmement heureux de recevoir ce soutien, et nous remercions le gouvernement de subventionner de l’engrais que nous pouvons utiliser. J’ai fait un long voyage depuis notre village pour venir chercher ces engrais après avoir reçu un message-texte de la part du fonctionnaire. »