Nigeria : Besoin d’une aide gouvernementale pour appuyer les agriculteurs dans leur lutte contre la désertification, selon les experts (IRIN)

| janvier 8, 2018

Téléchargez cette nouvelle

Lorsqu’Abbas Gandi perdit une grande partie de ses cultures à cause de la désertification et la sécheresse il y a quelques années, au nord-ouest du Nigeria, son désarroi fut si grand qu’il songea à abandonner sa ferme de 10 hectares.

Le front trempé de sueur, l’agriculteur de 68 ans se rappelle : « Ce fut un choc; [une] année très éprouvante. Plutôt que de récolter 200 sacs de [maïs] au moins, j’ai obtenu entre 25 et 30 sacs. J’aurais cessé de cultiver si je n’avais pas été habitué à gagner et à perdre. »

Ce père de 13 enfants vit dans l’État de Sokoto, au Nigeria, près du désert du Sahara. Les agriculteurs nigérians comme monsieur Gandi prennent des mesures pour combattre la désertification, mais les experts affirment que sans une action concertée du gouvernement, ils ne pourront pas éviter la dégradation de leurs sols.

La désertification menace les sources de revenus de 40 millions de personnes dans 11 états du nord du Nigeria, y compris Sokoto. Lorsque les gens abattent les arbres et détruisent les plantes, le sol se dégrade. Cela met tout le système écologique en danger.

Ces 11 états couvrent plus d’un tiers de la superficie totale du Nigeria. Ce sont des zones dont les activités principales sont l’élevage et la production de cultures, dont le haricot, le soja, le millet, le sorgho, les tomates, les melons, les poivrons et les oignons.

Le professeur Emmanuel Oladipo conseille le ministère de l’Environnement du Nigeria sur les questions de changement climatique. Il soutient que la mauvaise utilisation des terres, les systèmes de pâturage non viables, la déforestation et les besoins alimentaires de la population grandissante contribuent tous à la désertification.

Monsieur Oladipo explique : « Les surfaces des sols dépourvus d’une couverture végétale permanente sont sujettes à : l’érosion hydrique et éolienne, la formation de croûtes causée par les éclaboussures provoquées par le martelage des gouttes de pluie et le piétinement des animaux, la salinisation par évaporation et l’engorgement. »

Les agriculteurs du nord prennent des mesures pour s’adapter à la désertification et aux sécheresses plus fréquentes. Ils plantent des arbres pour avoir de l’ombre et s’abriter du vent. Ils utilisent des pompes d’irrigation fonctionnant au gazole, et plantent des cultures plus robustes telles que le soja. Toutefois, ces mesures sont insuffisantes.

Le Nigeria enregistre un taux annuel de déforestation d’environ 3,5 %, ce qui représente jusqu’à 400 000 hectares de forêts abattues chaque année.

Le gouvernement mène sa lutte contre la désertification par le biais de l’agence nationale de la Grande muraille verte, créée en 2007. Son objectif est d’aménager un périmètre boisé large de 15 kilomètres le long de la lisière au sud du Sahara. Plus de 20 pays du Sahel participent à ce projet, et ils pourraient dépenser près de huit milliards de dollars américains pour cette initiative.

Le Nigeria a entamé la mise en œuvre du plan en 2013. L’agence affirme avoir mis en terre cinq millions de jeunes plants d’arbres forestiers et fruitiers, ainsi que des centaines d’hectares de haies brise-vent et de boisés et de vergers communautaires.

Cependant, certains détracteurs affirment que ce projet n’implique pas les paysans dans la conception, l’exécution et le suivi des activités.

Murtala Adogi Mohammed est un chercheur au doctorat qui analyse l’impact du changement climatique au nord-ouest de l’État de Katsina. Il déclare : « Les projets de reboisement gouvernementaux qui ne bénéficient pas de la contribution des agriculteurs locaux et des principaux acteurs ruraux ne sont pas viables. Pour en garantir la gestion, l’appropriation et la pérennité, l’appui des populations rurales est très important. »

Les experts affirment que le gouvernement doit également tenir compte des facteurs sous-jacents qui favorisent la déforestation, tels que le manque de volonté politique pour gérer les ressources foncières et hydrauliques, les promesses d’aide financière non tenues, le suivi insuffisant et la réglementation trop souple, ainsi que la pauvreté rurale.

En outre, l’utilisation accrue des ressources foncières par les populations pour la production alimentaire, la fabrication de médicaments, de combustibles, de fourrage, de matériaux de construction et d’articles ménagers ne saurait perdurer.

La hausse de la demande pour le bois de chauffe est une des plus grandes préoccupations concernant le nord. La moitié de l’énergie utilisée à travers le pays est consommée sous forme de bois de chauffe et de charbon de bois. Les communautés rurales font brûler plus de 32 millions de mètres cubes de bois de chauffe par an.

Monsieur Mohammed croit que l’offre d’avantages économiques tels que les prêts, les programmes de microcrédit et les subventions pour la machinerie agricole pourrait réduire la pauvreté et, par conséquent, alléger la pression croissante sur les terres arides.

Il ajoute : « Le gouvernement doit améliorer la situation des commodités sociales telles que l’électrification rurale qui pourrait constituer une autre solution au bois de chauffe en tant que source d’énergie locale. »

La présente nouvelle est adaptée d’un article intitulé « Les paysans nigérians ne peuvent pas lutter seuls contre la désertification” publié par IRIN. Pour lire l’article original, cliquez sur : http://www.irinnews.org/fr/analyses/2017/11/14/les-paysans-nigerians-ne-peuvent-pas-lutter-seuls-contre-la-desertification

Photo: Abbas Gandi dans son champs. Credit: IRIN_Linus Unah