Mozambique : L’accaparement de terres dédiées à l’activité agro-industrielle provoque une vague de mécontentement (AFP)

| décembre 14, 2015

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Depuis ces dernières années, les immenses réserves de gaz et de charbon situées au nord du Mozambique attirent les investisseurs étrangers. Il en est de même pour le sol fertile. Résultat : les agricultrices et les agriculteurs d’exploitations familiales sont déplacés par de grands projets agricoles.

Regina Macomba a reçu 6 500 méticais [126 $US] lorsqu’elle a vendu sa maison et ses deux hectares de terre à une agroentreprise. Cependant, l’agricultrice, qui est maintenant dans la cinquantaine, n’avait d’autre choix que de vendre.

Agromoz lui a racheté sa terre. La société est une coentreprise formée par Amorim Group, une société appartenant à la plus riche famille du Portugal, et la société Intelec de l’ancien président mozambicain, Armando Guebuza. En 2012, Agromoz a reçu une concession du gouvernement pour exploiter 10 000 hectares dans une région éloignée près de la frontière avec le Malawi.

Tout comme Mme Macomba, des centaines d’agricultrices et d’agriculteurs ont été expulsés pour faire place à une grande exploitation agricole qui y cultivera du soja destiné à la fabrication de provende à poussin.

Mme Macomba vit désormais à Mutuali, à 2000 kilomètres au nord de la capitale, Maputo. Elle se rappelle : « Trois jours après avoir reçu mon … argent, les bulldozers sont venus détruire nos maisons, et nous avions dû partir ailleurs, nos effets et nos denrées sur nos têtes, au lever du jour. »

Près du domicile de Mme Macomba se trouve une cabane en bois qui servira probablement de maison à Arnaldo Francisco. L’agriculteur de 26 ans a été expulsé en 2013, mais il n’a pas encore trouvé un nouveau toit. Tout en égrenant ses gousses de piment piri-piri, il explique : « Je dois m’occuper de mes récoltes d’abord. »

Mme Macomba et M. Francisco ne savent ni lire ni parler portugais, la langue officielle du Mozambique. Pourtant, ils ont tous les deux signer des documents détaillés pour signifier la vente de leurs propriétés, sans même en comprendre le contenu.

Agromoz affirme avoir agi conformément à la loi et mener l’ensemble du processus en toute transparence.

Andre Luft est le directeur général d’Agromoz. Il déclare : « Ce n’est pas la société qui a fixé le montant de l’indemnisation, mais ce sont les autorités mozambicaines qui ont fixé le montant à verser à chaque famille. » Toutefois, M. Luft reconnaît que l’expulsion rapide des agricultrices et des agriculteurs a terni l’image qu’avait l’opinion publique de la société.

Agromoz soutient que le projet a pris du retard en raison des consultations menées avec la communauté. Actuellement, la société n’exploite que le cinquième de la concession, ce qui signifie que d’autres agricultrices et agriculteurs d’exploitations familiales pourraient être à leur tour expulsion.

Antonio Muagerene est le responsable de PPOSC, un groupe de coordination formé de groupes de citoyens. Il accuse le gouvernement d’être à l’origine des tensions actuelles, car, selon lui, ce dernier a failli à son rôle de médiateur. M. Muagerene ajoute : « La situation d’Agromoz est explosive. Personne ne sait ce qui pourrait survenir. »

Les organisations non gouvernementales craignent que le scénario d’Agromoz ne se reproduise sur une plus grande échelle. Par exemple : le projet Prosavana a vu le jour grâce à un accord signé en 2009 avec le Brésil et le Japon, et il couvre 10 millions d’hectares.

La première ébauche du projet requiert l’adoption de méthodes agricoles industrielles utilisées au Brésil pour renforcer la capacité du Mozambique à exporter du soja. Les associations paysannes s’indignent du fait que les exportations priment sur la vie de cinq millions de Mozambicain(e)s en proie à une insécurité alimentaire chronique. Selon le coordonnateur du Prosavana, Antonio Limbau, une deuxième ébauche du projet prend en compte plusieurs préoccupations exprimées par les agricultrices et les agriculteurs d’exploitations familiales, ainsi que les groupes de citoyens.

Manuel Pedro Massava représente les agricultrices et les agriculteurs de Mutuali. Il doute que le projet traite les productrices et les producteurs mieux que par le passé.

Il avertit : « Le cas d’Agromoz nous a servi de leçon. Nous avons vu comment les gens ont été traités, et la même chose va se produire avec Prosavana. »

Pour lire l’intégralité de l’article duquel provient cette histoire intitulée « Une méga agroentreprise provoque une vague de mécontentement au Zimbabwe », cliquez sur : http://farmlandgrab.org/post/view/25573-mega-agrobusiness-fuels-growing-resentment-in-mozambique

Photo: AFP Photo/Adrien Barbier