Mozambique : Des fruiticulteurs et des fruiticultrices font sécher leurs fruits pour repousser la faim

| avril 18, 2016

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John Mateo lave un seau de pommes rouges. Il sait que s’il ne les pèle pas et ne les fait pas sécher dans un four chauffé, elles pourraient pourrir ou être détruites par les chèvres, et la faim s’installera.

Le fruiticulteur de 35 ans sourit et jette une pomme en l’air avant d’entamer le processus de séchage et de conservation des fruits. Il déclare : « Je mangerai ça dans six mois. Le goût sucré n’aura pas changé d’ici là. »

M. Matéo, un producteur de pommes et d’abricots, est originaire du village de Susunhenga, dans le district de Manica, au Mozambique, près de la frontière du Zimbabwe, à l’ouest.

Cette année, la sécheresse provoquée par le phénomène El Niño a mis à mal la production agricole du district de Manica. Plusieurs bêtes sont mortes de soif et les récoltes de fruits ont diminué.

Toutefois, bien que plusieurs familles rurales dépendent désormais de l’aide alimentaire, des fruiticulteurs et des fruiticultrices comme M. Mateo font sécher leurs fruits pour repousser la faim. Ces producteurs locaux ont appris à conserver les fruits grâce à une formation offerte par un organisme sans but lucratif allemand. M. Mateo déclare : « Nous avons appris des techniques et des méthodes simples d’épluchure et de séchage des pommes qui font en sorte qu’elles [demeurent] comestibles même après neuf mois. »

Il explique comment il fait sécher et conserve ses pommes : « Nous utilisons des éplucheurs de pommes mécaniques pour peler les fruits cueillis. Il faut faire attention pour ne pas abîmer la peau douce du fruit. Nous tranchons le fruit en de belles rondelles, les chauffons dans des fours alimentés au bois et les faisons sécher. »

Anzelia Namusse, 38 ans, cultive des pêches et des pommes dans le district de Manica. Elle affirme que l’hygiène est un important facteur à prendre en considération dans le processus de conservation des fruits. Elle explique : « Premièrement, nous lavons bien les pommes avant de les apprêter pour le séchage et l’entreposage. Les infirmiers et les infirmières locaux nous ont dit [que] les bactéries diminuaient nettement lorsqu’on lavait les fruits avant de les faire sécher. En principe, chaque fruiticulteur ou fruiticultrice doit porter des gants [lorsqu’il ou elle] lave les fruits pour les faire sécher. »

Manuel Battk est chargée de la gestion des moyens de subsistance communautaires chez Johanniter Hilfe, l’organisme sans but lucratif allemand qui a formé les fruiticulteurs et les fruiticultrices.

Elle explique : « Nous avons réalisé [que] dans le district de Manica, le taux de gaspillage de pommes récoltées durant les bonnes années était de 30 % … C’est déplorable. Durant les années de famine, comme c’est le cas en 2016, plusieurs enfants souffrent d’une carence de protéines et de fruits … [Aussi], nous avons regroupé 120 producteurs de pommes ruraux, dont 47 femmes, et les avons initiés à l’utilisation de 10 éplucheurs de pommes en acier bon marché. »

Rejoice Mulandoe, une veuve de 41 ans, cultive des pêches et des pommes sur un demi-hectare de terre dans le district de Manica. Elle applique les conseils de Mme Battk. Après avoir fait chauffer ses pommes, elle les fait refroidir pendant 30 minutes et les met à conserver dans des sacs dans l’entrepôt communautaire pendant six mois. Ainsi, elle pourra consommer des pommes séchées de la saison précédente quand la saison sèche arrivera.

Mais Mme Mulandoe ne se contente pas de déguster des pommes séchées. Celles-ci lui rapportent également beaucoup d’argent. Elle déclare : « [À cause de la sécheresse] le prix de nos pommes séchées entreposées a bondi à 1,60 $US, de 1,10 $US qu’elles coûtaient auparavant. Les écoles, les crèches [centres de la petite enfance] et les équipes sportives du village sont nos principaux clients. »

M. Mateo aime avoir une réserve de fruits en saison sèche pour deux raisons. Il explique : « Les pommes conservées pendant six mois nous rapportent un surplus de 40 % en termes de recettes lorsque la saison sèche arrive et qu’il n’y a plus de fruits frais sur les marchés communautaires. Les pommes séchées permettent [également] à mes enfants scolarisés d’avoir de quoi manger lorsque nous n’avons pas les moyens d’acheter le riz qui nous sert d’aliment de base. »

Il est aussi en train de concevoir différentes techniques de conservation de ses fruits afin d’augmenter leur valeur. Il explique : « Nous avons l’intention d’apprendre à conserver les pommes sous forme de confiture sucrée ou de dessert dans des bouteilles en verre scellées et de les vendre dans des supermarchés plus grands en ville. Pour cela, il nous faut comprendre le fonctionnement des taxes locales et de la salubrité des aliments. »