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Mali : Une vie épanouie après une chirurgie réparatrice des séquelles des mutilations génitales féminines

Il est 16 h, et il fera bientôt nuit à Doumba, un village malien situé à environ 20 kilomètres de la ville de Koulikoro, au sud du pays. Dans ce village de quelques milliers d’habitants, les traditions régissent le quotidien des populations, pendant que le besoin de services sociaux de base reste un défi. En ce vendredi soir, alors que les autres femmes de sa famille vaquent à leurs occupations ménagères du soir, Diayara Diarra, une femme dans la quarantaine, se hâte d’aller assister à une rencontre de sensibilisation sur les mutilations génitales féminines.

Madame Diarra raconte avoir été excisée à l’enfance, à cause des traditions. Elle explique que les mutilations génitales féminines sont pratiquées, afin d’atténuer les désirs sexuels de la fille, ce qui, selon les croyances, devrait l’aider à s’abstenir des relations sexuelles avant le mariage. Mais, malheureusement pour madame Diarra, à l’instar de plusieurs autres femmes, cette pratique a entraîné des infections dans la région génitale et compliqué sa vie sexuelle après son mariage.

Elle raconte qu’elle ressentait des douleurs lors des relations sexuelles, des menstruations, et que ses accouchements étaient particulièrement pénibles. Après son dernier accouchement, elle a également eu un prolapsus. Elle ajoute avoir supporté cette douleur pendant des années, ignorant que c’était une conséquence directe des mutilations génitales féminines, ou MGF.

Madame Diarra soutient que cela a eu des répercussions sur son mariage. Elle déclare : « Mon mari et moi n’avions presque plus d’intimité à cause de ma douleur. »

Madame Diarra explique qu’elle s’était réveillée après avoir assisté à un atelier de la direction régionale de la promotion des femmes, des enfants et des familles de Koulikoro. La session portait sur la santé sexuelle et reproductive et lui a fourni des informations cruciales concernant l’excision et des conséquences néfastes. Motivée par ce qu’elle avait appris, elle partit chercher des soins médicaux dans un hôpital, où les tests révélèrent la gravité de sa situation. Elle fut orientée vers l’Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des Pratiques Traditionnelles qui couvre entièrement les soins de santé des survivantes de MGF et leur apporte un soutien psychologique, matériel et financier.

Une fois ses besoins évalués, des soins médicaux furent prescrits à madame Diarra pour soigner ses infections et atténuer la douleur. À la suite de ce premier traitement, elle continua à recevoir des soins de suivi régulier. Par conséquent, la santé de madame Diarra s’est considérablement améliorée, et elle n’a plus d’infections.

Aux dires de madame Diarra, son traitement a changé sa vie de couple. Elle a guéri des effets de l’excision et a retrouvé une vie sexuelle normale. Elle déclare : « Mon mari et moi sommes devenus proches. J’arrive à remplir mon devoir conjugal et à prendre soin de mes enfants. »

La Dre Salimata Coulibaly est gynécologue-obstétricienne au centre de santé de référence de la Commune V de Bamako. Elle affirme que l’excision a de graves conséquences sur la santé des femmes et des filles. Selon elle, l’excision peut provoquer une rétention urinaire, des hémorragies, des complications pendant l’accouchement, et elle peut nuire considérablement à la santé sexuelle, et cause des douleurs lors de relations sexuelles, comme c’était le cas pour madame Diarra. Dans certains cas, les conséquences de l’excision peuvent être graves, et causer même la mort.

La Dre Coulibaly soutient que l’excision est une pratique répandue au Mali, et qu’elle nuit gravement à la santé et au bien-être des femmes et des filles. Cependant, elle souligne que ces problèmes ont des solutions, telles que la chirurgie reconstructive. En fonction du type et de la gravité des complications, les soins médicaux peuvent également atténuer les effets de l’excision. Mais elle regrette que le manque de ressources financières, d’informations et de sensibilisation, notamment en milieu rural, demeure un problème pour de nombreuses femmes. Cela, explique-t-elle, explique la rareté de ce type de soins, malgré le nombre très élevé de femmes concernées par ces pratiques.

Le Mali n’a pas de lois interdisant l’excision. Selon le rapport de 2022 de l’UNICEF, environ huit millions de filles et de femmes ont eu une mutilation génitale féminine au Mali. À l’échelle nationale, cela représente 89 % de filles et de femmes âgées de 15 à 49 ans.

Soumaila Moro est spécialiste en santé sexuelle et reproductive. Il pense que la solution serait d’intensifier les campagnes de sensibilisation aux conséquences de l’excision, ainsi que le plaidoyer à l’échelle communautaire et institutionnelle, et ce, en collaboration avec des partenaires techniques et financiers.
Depuis quelques années, madame Diarra vit une véritable transformation dans sa vie, marquée par l’amélioration de sa santé, ses relations et un regain de bien-être avec son mari. Elle participe activement aux campagnes de sensibilisation organisées pour les femmes de Doumba et des villages environnants. Dans le cadre de ces activités, elle partage son expérience personnelle avec d’autres et oriente celles qui sont touchées par l’excision vers les services de soutien appropriés.

La présente nouvelle a été produite grâce à l’initiative « HÉRÈ — Bien-être des femmes au Mali » qui vise à améliorer le bien-être des femmes et des filles en termes de santé sexuelle et reproductive, et renforcer la prévention et les solutions à la violence basée sur le genre dans les régions de Sissoko, Sékou, Mopti et le district de Bamako, au Mali. Ce projet est mis en œuvre par le Consortium HÉRÈ-MSI Mali, en partenariat avec Radios Rurales Internationales (RRI) et Women in Law et Development in Africa (WiLDAF), grâce au financement d’Affaires mondiales Canada.