Mali : Le rétrécissement du fleuve Niger menace l’agriculture

| octobre 14, 2019

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Nouvelle en bref

À Bamako, au Mali, le fleuve Niger se rétrécit, inquiétant ainsi les nombreux maraîchers et maraîchères qui cultivent aux alentours et qui en dépendent. Djeneba Diarra soutient que le fleuve a reculé de 100 mètres de son jardin, ce qui représente un recul de près de 50 % de plus qu’auparavant. Les activités humaines telles que le déboisement, l’orpaillage, l’urbanisation et la forte croissance démographique nuisent au fleuve qui souffre déjà de l’érosion et la rareté des pluies. Selon les expert(e)s, les populations peuvent prendre des mesures pour réduire les dommages et s’adapter, y compris en creusant des forages profonds et en construisant des barrages. Ils indiquent également que la création d’une zone tampon non agricole et d’une aire agricole protégée le long du fleuve pourrait l’aider à renaître, ou limiter au moins les dégâts.

Long de 4 200 kilomètres, le fleuve Niger arrose le 1 750 kilomètres de terres au Mali. Le fleuve a toujours fourni de l’eau aux populations riveraines pour leurs activités agricoles. Mais depuis les années 90, le lit du plus long fleuve d’Afrique de l’Ouest se replie à cause des changements climatiques.

Depuis 13 ans, Djeneba Diarra cultive du gombo, de l’arachide, des légumes-feuilles et de la tomate à Bamako, au bord du fleuve Niger. Elle utilise les engrais pour avoir plus de rendement et arrose son jardin grâce à une motopompe pendant la décrue. Mais l’accès à l’eau est difficile. Le fleuve a reculé de 100 mètres de son jardin, soit près de 50 % plus loin qu’avant.

À Baguineda, une commune proche de Bamako, Alassane Souleymane cultive de la betterave, de l’oignon, des melons et d’autres produits maraîchers. Il raconte que lorsque l’eau du fleuve se retire, il a recours à son puits. D’autres cultivateurs et cultivatrices utilisent des châteaux d’eau qui alimentent les canaux en ciment pour arroser leurs jardins.

Plusieurs activités humaines sont à la base de la détérioration du fleuve et de la production agricole, y compris le déboisement, l’orpaillage et l’urbanisation. De plus, la rareté des pluies et l’érosion compliquent la vie aux agriculteurs et aux agricultrices. Face à ces nouvelles réalités, ces derniers sont de plus en plus inquiets.

Sidi Ba est chercheur à l’Institut polytechnique de Katibougou et auteur du livre Péril sur la Pollution du fleuve Niger. Il en connaît long sur cet enjeu. Selon lui, les agriculteurs et les agricultrices sont directement affectés par la baisse du courant d’eau, mais en même temps, ce rétrécissement leur donne accès à des terres fertiles pour une agriculture à petite échelle le long des berges. Il soutient que le jardinage est beaucoup pratiqué à Bamako, en pleine ville.

Djoouro Bocoum est le directeur national adjoint de l’hydraulique. Il craint que l’exploitation des berges aux fins d’activités maraîchères favorise l’érosion et contribue à l’ensablement du fleuve. Il soutient que le fleuve est menacé, mais qu’il y a des actions que les gens peuvent mener pour limiter les dégâts et s’y adapter. Il déclare : « On assiste au creusage de forages profonds, et … à de grands projets en termes de barrages, comme celui de Taoussa à Gao. »

Avec les forages, les cultivateurs peuvent avoir de l’eau en abondance et cultiver hors des berges.

Selon monsieur Ba, la dégradation du fleuve ne date pas d’hier. Il soutient que le débit du fleuve à Koulikoro, à environ 60 kilomètres de Bamako, a baissé de 20 % depuis les années 90.

L’autre facteur c’est que, depuis plus de dix ans, l’augmentation de la population entraîne un accroissement des besoins en eau et en terres cultivables.

De plus, la diminution des précipitations augmente la quantité de limon, et réduit la superficie de terres disponibles pour l’agriculture. Monsieur Ba déclare : « À Tombouctou, il y avait des zones inondées où l’on pratiquait la culture du riz et du maïs. Mais puisque moins d’eau s’écoule maintenant, certaines de ces terres ne servent plus, sauf pour l’irrigation. »

Mis en place en mars 2019, le collectif Save fleuve Niger tire la sonnette d’alarme sur le tarissement du fleuve et lutte pour sa sauvegarde. Dia Sacko est l’organisatrice du collectif. Pour s’adapter aux nouvelles conditions, madame Sacko préconise une poursuite des activités agricoles, mais également la création d’une zone tampon, puisqu’on ne peut pas cultiver n’importe où.

Pour ce faire, madame Sacko affirme que le gouvernement, les agriculteurs et les agricultrices doivent collaborer pour aménager des zones exclusivement réservées au maraîchage et à d’autres types de cultures.