Mali: La flambée des prix des céréales fait planer le spectre de la famine (Ecrit par Soumaila T. Diarra pour Agro Radio Hebdo au Mali)

| mars 14, 2011

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De loin, les maisons en banco et les cases du village de Gwélékoro apparaissent au milieu des champs, qui sont  abandonnés en cette saison sèche. Les récoltes ont eu lieu en novembre dernier. Les paysans qui ne produisent plus attendent patiemment les prochaines pluies, pour reprendre leurs travaux champêtres, entre juin et  juillet prochains.

Mais malgré la tranquillité apparente, les paysans sont inquiets. La vie n’est pas facile dans ce village situé à 60 km au sud de Bamako. Les raisons: une mauvaise récolte associée à une hausse sensible du prix des céréales de première nécessité. Les paysans suivent l’évolution du prix des céréales sur les marchés locaux. Ils s’y approvisionnent lorsque les céréales qu’ils produisent ne suffisent plus à couvrir leurs besoins.

Cette cherté des céréales est peu habituelle dans le sud du Mali. La région est l’une des plus productives du pays.

Karim Diarra, un agriculteur de 43 ans, déclare : « Au marché, les céréales sont particulièrement chères, cette année. Le kilogramme de mil, par exemple, n’a pas été vendu en-dessous de 100 Francs CFA. Il y a longtemps que je n’ai pas vu ça. Auparavant, le kilo pouvait être vendu à 50 Francs CFA ».

Dans ces conditions, la reprise des  travaux agricoles est une préoccupation pour beaucoup de paysans du village. « Nous nous attendons à des moments difficiles à cause de la cherté précoce des céréales. Et nous n’avons pas beaucoup de réserves pour  la saison des pluies (de juillet à octobre, note de la rédaction), des moments marqués  par une hausse vertigineuse du prix des denrées de première nécessité », indique une habitante du village, Niènè Traoré, 65 ans.

Les dernières récoltes n’ont pas été bonnes dans la région. Dans le village de Heremakono, à 7 km de Gwélékoro, les paysans estiment que la cherté des céréales est en partie liée à l’abondante pluviométrie à laquelle leurs cultures n’étaient pas adaptées. Madou Koné, un cultivateur, s’attend aussi à une situation alimentaire difficile: « Chaque année, je trouve de quoi nourrir toute ma famille grâce à mes cultures, mais pour la première fois, je risque d’avoir à acheter des céréales au marché. Cela m’inquiète parce que les prix vont continuer à augmenter ».

D’autres paysans de cette localité estiment que la cherté du prix des céréales sur le marché n’a rien à voir avec le niveau de la production. Le chef du village de Hérémakono, Baba Dramé, est en colère contre les autorités. Selon lui, elles doivent agir pour que les prix soient maintenus à un niveau raisonnable. Il dit: « Au Mali, le problème de la cherté des céréales, ce n’est pas la pénurie, c’est la spéculation. Les autorités doivent contrôler le marché des céréales avec des magasins-témoins pour casser les prix ». Les magasins témoins sont des points de vente de produits céréaliers subventionnés. Avec une production de près de 7 millions de tonnes de céréales, la campagne agricole 2010-2011 a été très bonne, selon le Ministère de l’agriculture.

Déjà, ce chiffre attise l’intérêt de gros acheteurs de céréales. Le Ministre de l’Agriculture a confirmé à la télévision nationale que  le Programme alimentaire mondial (PAM) a fait une demande d’achat de 15 000 tonnes de céréales pour le Bénin et le Sénégal.

Pour l’instant, aucune mesure n’a été prise par le gouvernement malien contre la tendance à la hausse du prix des céréales en 2011. En attendant le début des travaux champêtres qui correspondent à la période de soudure, les populations rurales peuvent encore joindre les deux bouts, mais pas pour longtemps.