Mali : Grâce à un petit ‘voyage dans le temps’, les agriculteurs se préparent pour l’avenir (Trust)

| août 14, 2017

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Nouhoun Tigana chasse de la main un pigeon maigre, loin du poulailler qu’il surveille. Il n’est pas certain du temps qu’il fera demain, à part qu’il risque de faire à nouveau très chaud.

Il déclare : « La chaleur est si accablante actuellement qu’il nous est impossible de travailler entre midi et 15 heures. »

Monsieur Tigana vit à Kolondialan, à l’ouest du pays, dans la région de Koulikoro, au Mali. Les agriculteurs de cette localité et d’autres régions rurales du Mali sont aux prises avec des épisodes de sécheresse récurrents qui détruisent leurs cultures, ainsi que des températures aussi élevées que 50 degrés Celsius, ce qui rend le travail difficile.

Toutefois, monsieur Tigana déclare : « Nous ne pouvons rester assis à ne rien faire. Il nous faut trouver le moyen de nous en sortir. »

Monsieur Tigana est certainement incapable de prédire le temps qu’il fera demain, mais il sait à peu près à quoi aurait pu ressembler la situation dans 30 ans dans son village, situé à la lisière du Sahel.

Cela s’explique par le fait que l’an dernier monsieur Tigana et 30 autres agriculteurs, se sont rendus à bord d’une Jeep dans le nord-est, question de réaliser un petit « voyage dans le temps », en visitant la région de Mopti actuellement confrontée au type de conditions dans lesquelles pourrait se retrouver Kolondialan au cours des prochaines décennies selon les experts.

L’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides, également dénommé ICRISAT, a organisé ce voyage dans le cadre du projet « Exploitations du futur, » au Mali.

Bouba Traoré est scientifique à l’institut de recherche. Il explique : « L’idée est de faire en sorte que les communautés apprennent les unes des autres en visitant un environnement similaire aux leurs, à savoir un milieu agricole, mais dont les conditions climatiques sont différentes. »

Il ajoute : « C’est comme s’ils visitaient leur ‘futur village,’ si les températures continuent de grimper et que les pluies continuent de diminuer. »
L’an dernier, grâce à des spécialistes du climat et un outil de prévision météorologique en ligne, monsieur Tigana et d’autres agriculteurs locaux ont participé à l’identification de villages situés plus au nord, tels que Bankass et Koro, qui subissent des conditions climatiques auxquelles pourrait être confrontée Kolondialan dans quelques décennies.

Monsieur Traoré soutient que des hommes et des femmes de Kolondialan et d’un village voisin se sont en fait rendus dans ces villages, au nord, pour comprendre comment les habitants là-bas s’adaptaient aux températures plus élevées et à la raréfaction des pluies.

Il explique : « Nous espérons qu’en voyant comment les agriculteurs s’adaptent à un climat plus chaud, par exemple : grâce à des techniques d’agriculture plus intelligentes et de nouveaux canaux de diffusion de renseignements météorologiques, ces visiteurs appliqueront ces innovations chez eux. »

Après la visite, monsieur Traoré affirme que chaque village participant recevra une subvention d’un million de francs CFA (environ 1 800 $US) qu’il dépensera pour le moyen d’adaptation de son choix.

La communauté de monsieur Tigana a décidé de faire un essai avec la volaille. Les agriculteurs élèveront et vendront au marché des poules pour avoir de l’argent en guise de moyen d’adaptation aux températures plus élevées et aux pertes de récoltes.

Monsieur Traoré explique qu’une famille reçoit un prêt de 50 000 francs CFA (environ 90 $US) pour les six prochains mois. Les activités varient d’un village à l’autre, et ce, dépendamment des compétences des agriculteurs et des ressources disponibles.

Par exemple : à Sibougou, un autre village du centre du Mali, les membres de la communauté ont décidé de fabriquer avec de l’argile et de la paille des fourneaux qui consomment moins de bois. Ils tissent également des paniers thermos qui conservent la chaleur du soleil pour permettre aux aliments de continuer à cuire même lorsqu’il n’y a pas de soleil.

Des paysans d’autres villages utilisent l’argent qu’ils reçoivent pour élever du bétail. D’autres choisissent de protéger plus efficacement leurs récoltes de maïs en suspendant les épis aux arbres, hors de portée des ravageurs, du bétail et des inondations.

Pour l’instant, monsieur Traoré espère reproduire l’expérience « Exploitations du futur » dans d’autres régions du Mali, ainsi que dans des pays voisins.

Le présent article est inspiré d’un article de la Thomson Reuters Foundation intitulé « With a bit of ‘time travel,’ Malians prepare farms of the future. » Pour lire l’article original, cliquez sur : http://news.trust.org/item/20170605001647-0n9ed/

Photo: Nouhoun Tigana à Kolondialan, Mali.
Crédit: Thomson Reuters Foundation/ Alex Potter