Mali : Des femmes se mobilisent contre la violence basée sur le genre

| août 8, 2022

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Nouvelle en bref

Aminata Traoré était violentée par son mari il y a dix ans. Elle explique : « Quand je me suis mariée, il a commencé à me battre. Il me jetait des choses à la tête et me frappait au ventre. » Elle a même fait une fausse couche à cause de cette violence. Madame Traoré savait qu’il était temps que la situation change. Elle se tourna alors vers une association locale dénommée Association femmes battues d’Hamdallaye pour obtenir de l’aide. L’association l’a aidée à travers la recherche d’un avocat et le processus de demande de divorce. Maintenant divorcée, madame Traoré consacre son temps à sensibiliser les gens sur la violence fondée sur le genre et à aider d’autres femmes à signaler et à surmonter la violence dans leur vie personnelle. Ségné Sangaré est psychologue et conseiller en santé. À ses dires, la violence fondée sur le genre dépasse le cadre de la violence physique. Elle inclut également la violence psychologique et émotionnelle. Madame Traoré déclare : « Malgré toute la violence que nous vivons au quotidien, nous pouvons espérer, car, autrefois, ce type de rencontres étaient interdites. Mais, aujourd’hui, nous pouvons nous réunir pour discuter et nous informer mutuellement pour trouver les moyens de combattre efficacement ces pratiques violentes qui minent notre société. »

Aminata Traoré est une femme d’une quarantaine d’années et elle est enseignante dans une école privée de la région de Ségou. Aujourd’hui, elle sensibilise une dizaine de femmes et quelques hommes de sa communauté sur les différentes formes de violences conjugales au Mali.

Madame Traoré est une survivante de violence fondée sur le genre. Il y a une dizaine d’années, madame Traoré a été maltraitée par son conjoint. Elle raconte avoir vu ses rêves d’intellectuelle heureuse brisés par un homme et une société qui défavorise la femme au profit des hommes.

Elle explique : « J’ai connu mon ex-mari il y a presque vingt ans de cela quand nous étions étudiants. Après le mariage, il me frappait. Nous étions en location dans une grande maison où vivaient plusieurs autres familles, quand mon mari était fâché il me frappait avec tout objet qu’il avait sous la main. Il me lançait des objets sur ma tête et me donnait des coups au ventre. »

Elle a même fait une fausse couche à cause de cette violence.

Madame Traoré su que les choses devaient changer, par conséquent, elle se tourna vers une association locale dénommée Association femmes battues d’Hamdallaye pour obtenir de l’aide. L’association l’orienta à travers les étapes difficiles qui s’en suivirent et elle engagea un avocat pour faire une demande de divorce.

Elle est reconnaissante pour l’aide et le soutien qu’elle a reçu et déclare : « Grâce à l’association, je suis sauvée. »

Aujourd’hui divorcée, madame Traoré consacre son temps à faire de la sensibilisation sur la violence fondée sur le genre et aide les autres femmes a dénoncé et combattre la violence dans leur propre vie. Elle a suivi des formations auprès de l’organisation « Femmes, Droit et Développement en Afrique, ou WILDAF. Le WiLDAF appuie également les séances de sensibilisation locales de madame Traoré par l’apport d’une expertise et d’un soutien logistique.

Récemment, madame Traoré a créé un groupement de femmes dans sa commune pour lutter contre la violence fondée sur le genre. Ce groupement s’appelle Muso Dème Ton qui signifie « Ceux qui veulent aider les femmes » en langue locale, bambara. Les femmes se réunissent tous les vendredis chez madame Traoré ou dans la cour d’une école voisine pour expliquer aux membres les droits des femmes et des filles, et les procédures à suivre lorsqu’une femme ou une fille est victime de violence.

Madame Traoré communique également les coordonnées d’association qui défendent les femmes, ainsi que des numéros verts accessibles aux femmes qui se sentent en danger. Souvent, l’association organise des formations sur l’entrepreneuriat, la fabrication du savon local et beaucoup d’autres choses pour aider les femmes à être financièrement autonomes. Le groupe est surtout un moyen pour ces femmes de s’exprimer plus librement et de s’entraider.

Mariam Traoré est une avocate et consultante à WILDAF au Mali. Elle estime qu’au Mali, une femme sur deux âgée de 15 à 49 ans a subi des violences physiques ou sexuelles fondées sur le genre. Elle ajoute qu’en 2018, 79 % des femmes et 47 % des hommes au Mali pensaient que la violence fondée sur le genre subie par les femmes était justifiée dans certaines situations.

Pour changer la situation, madame Traoré pense que le Mali devra adopter plus de lois pour protéger les femmes des violences fondées sur le genre et soutenir les survivantes. Certains services existent déjà pour les femmes, y compris des centres d’aide pour les survivantes de violence fondée sur le genre à Koulikoro, Kayes, Sikasso et Ségou, ainsi que dans certains quartiers de Bamako.

Elle fait également mention du numéro vert 80333, une ligne d’assistance téléphonique qui fonctionne 24 h/24 pour les femmes de partout au Mali. La ligne est opérée par les autorités locales et elle sert à recevoir et à gérer les appels de détresse et d’autres cas de violence fondée sur le genre qui sont signalés.

Ségné Sangaré est psychologue et conseiller d’hygiène de vie. Il estime que la violence fondée sur le genre ne se limite pas à la violence physique. Elle comprend également la violence psychologique et mentale. Monsieur Sangaré affirme que la violence fondée sur le genre englobe toute expérience traumatisante ou humiliante subie par une femme, y compris celles qui peuvent entraîner un manque de sommeil ou des comportements sociaux anormaux.

Il ajoute que les violences basées sur le genre causent plus de complications et de dommages quand elles impliquent de jeunes filles ou des « enfants épouses. »

Monsieur Sangaré soutient que les us et coutumes peuvent aggraver souvent les problèmes liés à la violence fondée sur le genre. Il cite la croyance selon laquelle les femmes doivent être soumises à leurs conjoints, ce qui fait qu’il est plus difficile pour les femmes de dénoncer les violences qui se produisent chez elles. Il ajoute que le silence et le tabou qui entourent la violence fondée sur le genre font que les enfants ne reçoivent pas d’explications quant aux actes qu’ils observent et subissent. Ils ne peuvent ni exprimer ce qu’ils ressentent ni être rassurés. Ces enfants peuvent développer des problèmes affectifs et comportementaux, et ils peuvent eux-mêmes avoir des relations marquées par la violence.

Pour madame Traoré, tout cela fait qu’il est plus important pour elle de poursuivre son combat. Elle nourrit l’espoir que les efforts conjugués des femmes, d’organisations comme WiLDAF et de l’État permettront de réduire les cas de violences dans son pays.

Madame Traoré déclare : « Malgré toute la violence que nous vivons au quotidien, nous pouvons espérer, car, jadis, ce type de rencontres étaient interdites. Mais, aujourd’hui, nous pouvons nous réunir pour discuter et nous informer mutuellement pour trouver les moyens de combattre efficacement ces pratiques violentes qui minent notre société. Finalement, je dirai que l’ignorance mène à la peur, la peur conduit à la haine et la haine conduit à la violence. S’informer est une responsabilité pour tout le monde, alors essayons de nous informer, car mieux vaut tard que jamais.

Cette ressource a été produite grâce à l’initiative « HÉRÈ — Bien-être des femmes au Mali » qui vise à améliorer le bien-être des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive et à renforcer la prévention et la réponse aux violences basées sur le genre dans les régions de Sikasso, Ségou, Mopti et le district de Bamako au Mali. Le projet est mis en œuvre par le Consortium HÉRÈ – MSI Mali, en partenariat avec Radios Rurales Internationales (RRI) et Women in Law and Development in Africa (WiLDAF) grâce au financement d’Affaires mondiales Canada.

Photo : Aminata Traoré avec son groupe, Muso Dème Ton. Crédit : Cheick Bounama Coulibaly.