Mali : Des femmes essaient de changer les traditions qui bloquent leur accès aux terres

| septembre 28, 2020

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Nouvelle en bref

Diawa Kadiatou Tall préside l’association des femmes rurales de Ségou, une ville située à 240 kilomètres de Bamako, la capitale malienne. Elle a remporté un prix pour sa très bonne récolte, mais non sans difficultés. Les traditions locales entravèrent souvent son accès à la terre. Pour réussir, elle dut persuader son mari. Au Mali, les femmes sont les principales actrices de l’agriculture et des lois spécifiques garantissent leurs droits à la terre. Toutefois, les traditions placent les hommes à la tête de la famille. Il incombe à l’homme de nourrir la famille, et comme c’est l’agriculture qui nourrit les familles, la propriété foncière est un privilège réservé aux hommes. Cependant, les mentalités commencent à changer, car les femmes ont du succès en cultivant des portions de terre de leur mari et en contribuant au bien-être de la famille.

Diawo Kadiatou Tall est la présidente d’un groupement des femmes rurales à Ségou, une ville située à 240 kilomètres de Bamako, la capitale du Mali. Elle exploite plus de 15 hectares avec d’autres femmes pour produire du riz, du sésame et fonio. Madame Tall a été décorée Officier du mérite agricole pour ses efforts sur le terrain. C’est une distinction honorifique que l’État octroie aux agriculteurs(rices) qui réalisent des exploits en termes de récolte après la clôture des campagnes agricoles. Cependant, le chemin de madame Tall vers le succès n’a pas été sans difficulté.

Les traditions locales l’ont plusieurs fois empêchée d’accéder à la terre où elle a eu du succès. Mais avec son courage et son dévouement, elle s’est fait distinguer et, aujourd’hui, elle est un exemple de réussite pour les femmes. Mais pour réussir, elle a même dû convaincre son mari.

Elle explique : « Au début, franchementça n’a pas été facile. J’accompagnais mon mari au champ et je l’aidais dans les travaux. À côté j’entretenais un petit espace où je faisais du maraîchage. Lors de la répartition des champs [à l’Office du Niger], mon frère m’a proposé deux hectares. Quand j’en ai parlé à mon mari, il avait refusé, car selon lui cela n’est pas un travail pour les femmes et finalement je lui ai cédé ces deux hectares. »

L’Office du Niger est une agence du gouvernement malien qui administre un vaste périmètre d’irrigation dans la région de Ségou.

Dans les villages maliens, généralement, ce sont les chefs de villages et les grands propriétaires terriens qui prêtent les terres aux femmes. Et comme la terre est prêtée, le propriétaire peut la retirer à tout moment. Dès que les femmes commencent à tirer profit de l’exploitation, le propriétaire terrien réclame la terre. Chaque fois, les femmes que les femmes réussissent, elles retombent dans un perpétuel recommencement.

Madame Tall soutient qu’une deuxième occasion s’est présentée grâce à l’aide du frère de son mari. Elle raconte : « J’ai approché un de ses frères et ce dernier a mis la pression sur mon mari. Il a accepté à condition que si je n’arrive pas à en tirer profit je laisse tomber. » Mais elle a réussi, et avec le soutien d’autres femmes qui vivent dans la même situation, elles ont eu une bonne récolte.

L’argent que madame Tall a obtenu de ce travail lui a permis de prendre soin de ses enfants et payer leurs scolarités.

Au Mali, les femmes sont des actrices clés de l’agriculture, et des lois spéciales garantissent les droits fonciers des femmes. Mais les pratiques et les croyances traditionnelles créent des obstacles à la possession et au contrôle de la terre. En effet, la plupart des femmes n’ont pas accès à la terre. Les personnes qui s’accrochent toujours aux croyances traditionnelles trouvent que ce sont les hommes seulement qui doivent se faire de l’argent avec la terre.

En revanche, les femmes doivent aider dans les champs de leur époux. Elles peuvent également entretenir de petits lopins de terre communément appelés so foro. Ce sont des petits champs à côté des habitations où les femmes font un peu de gombo et d’arachide pour les repas de la famille.

Mamadou Kouyaté est le président du Réseau des communicateurs traditionnels (RECOTRAD) de Ségou. Il soutient que dans la tradition, surtout en milieu bambara, la femme ne peut se permettre d’acquérir des terres, malgré le rôle important qu’elle joue dans la société. Le fait que la femme dispose de terres cultivables n’est pas bien vu dans la société.

La répartition traditionnelle des tâches est bien déterminée. L’homme est l’élément central et tous les autres membres de la famille dépendent de lui. C’est à lui de nourrir sa famille. En milieu rural la seule activité qui nourrit, c’est justement l’agriculture. Donc, du coup, posséder une terre est un privilège réservé à l’homme.

Mieux encore, un père ne lègue jamais la terre à sa fille, car elle va finalement quitter la maison paternelle pour aller vivre chez son mari qui doit se charger de ses besoins.

Daouda Traoré est un facilitateur basé à Sikasso. Il est chargé de recueillir et diffuser des informations concernant les agricultrices(eurs), et de faciliter l’insertion et l’installation des ONG dans les communautés pour leur travail. Selon monsieur Traoré, les mentalités commencent néanmoins à changer.

Il affirme qu’avant c’était vraiment inconcevable que les femmes aient leur propre terre. Mais, maintenant, dit-il, les femmes ont un certain accès à la terre. Il explique : « Si le champ de l’homme est assez vaste ou pendant la saison sèche, les femmes peuvent exploiter une partie du champ de leur mari à des fins de maraîchage. Cela pour subvenir à ses petits besoins, voire payer les médicaments et la scolarité des enfants. Ce petit espace s’appelle djon foronin. »

Beaucoup d’organismes à but non lucratif qui font la promotion des pratiques agricoles améliorées contribuent à ce changement. Grâce aux bonnes récoltes, mais aussi et surtout à l’énorme contribution des agricultrices aux besoins de la famille, les hommes sont de moins en moins exigeants pour leur accès à la terre.

Selon monsieur Traoré, pour avoir un changement durable des comportements au Mali, il faut continuer avec les séries de sensibilisation et d’information au niveau communautaire.

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.