Mali : Des agriculteurs luttent contre la sécheresse au moyen de cultures hybrides (Trust)

| février 25, 2019

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Au Mali, une variété de sorgho rustique aide les agriculteurs à récolter même lorsque la sécheresse détruit les autres cultures.

L’an dernier, lorsque la sécheresse s’abattit sur le sud du Mali en milieu de saison agricole, Baba Berthé perdit tous ses deux hectares de maïs. « Je n’ai rien récolté du tout, » déclare l’agriculteur à la barbe grisonnante, vêtu d’un habit blanc.

Mais il avait également semé un sorgho résistant à la sécheresse. La catastrophe a été évitée lorsque celui-ci poussa malgré le manque d’eau.

Cette culture « m’a sauvé, » déclare l’agriculteur de 56 ans qui vit dans la commune rurale de Siby, à 45 kilomètres environ, au sud-ouest de Bamako, la capitale malienne. Monsieur Berthé a récolté 2, 4 tonnes de grains sur un hectare de terre, en dépit de la sécheresse.

Comme le changement climatique crée des conditions météorologiques plus violentes au Sahel, et aggrave la sécheresse, en particulier, la production de cultures capables de résister des conditions météorologiques extrêmes peut permettre d’éviter les crises allant de l’aggravation de la faim à la migration, selon les experts.

La production de cultures plus résistantes prend de l’ampleur au sud du Mali, notamment à mesure que les agriculteurs constatent les résultats dans leurs propres champs.

Monsieur Berthé déclare : « J’ai vraiment compris l’importance de ces nouvelles souches l’an dernier. »

Il ajoute que le maïs est une céréale qui a besoin de beaucoup d’eau, chose qu’on se saurait garantir désormais au sud du Mali.

Abdoulaye Diallo est un sélectionneur de semences et le responsable du programme sorgho de l’Institut d’économie rurale (IER). Il soutient que les chercheurs de l’IER ont produit de nouvelles variétés de céréales rustiques, en vue de pallier les variations de pluies dans le pays et au changement climatique.

Durant les 60 dernières années, dit-il, les pluies ont diminué de 15 à 20 pour cent au Mali, et cela nuit aux récoltes.

Les agriculteurs maliens travaillent au champ durant la saison pluvieuse qui s’étale de juin à octobre dans certaines localités du sud du Mali. Mais, plus au nord, la saison est plus courte. Dans l’année, il ne pleut même pas plus de deux mois dans certaines régions.

Pour faire face à ces conditions difficiles, les chercheurs maliens ont créé dans certains cas des hybrides issus d’un croisement entre les cultures traditionnelles locales et d’autres variétés.

Monsieur Diallo affirme que les céréales hybrides, comme le sorgho que monsieur Berthé a cultivé, peuvent produire trois à quatre tonnes par hectare, contrairement aux variétés non hybrides qui ne produisent que deux ou trois tonnes même lorsque la saison est bonne.

Selon Aboubacar Touré, un sélectionneur de semences à l’IER, « La difficulté consistait à trouver des variétés pouvant résister à la sécheresse après la floraison. » Il soutient que, pour résister à la sécheresse, les variétés doivent généralement fleurir tôt, être résistantes à la sécheresse ou les deux.

À mesure qu’un plus grand nombre d’agriculteurs de Siby adoptent de nouvelles variétés de semences pour se mettre à l’abri des chocs climatiques, les producteurs de semences locaux voient leurs revenus augmenter.

Alou Camara préside la Coopérative des producteurs de semences de Siby. À ses dires, la coopérative achète chez ses membres des semences capables de venir à bout des conditions changeantes. Elle achète le kilogramme à 500 francs CFA (0,86 $ US) et le revend à d’autres agriculteurs à 750 francs CFA, soit cinq fois le prix des semences traditionnelles.

Malgré le coût, il déclare : « Tout ce que nous avons produit comme semence a été acheté l’an dernier, et c’était la même chose l’année d’avant. »

Monsieur Touré de l’IER soutient que les agriculteurs et les agricultrices d’exploitations familiales ont donné des noms en langue locale aux nouvelles variétés de sorgho qui « en disent long » sur leur succès. Par exemple : Sequifa signifie « panier rempli, » tandis que Jakumbé signifie « anti-sécheresse. »

Mais ce n’est pas tout le monde qui apprécie les nouvelles variétés. Certains agriculteurs se plaignent de ne pas toujours avoir les moyens d’acheter les souches résistantes à la sécheresse, dont ils ont fini par dépendre.

Les années précédentes, les paysans utilisaient simplement les semences d’une récolte pour les semis de la culture de la saison suivante. En outre, les avantages des nouvelles variétés hybrides diminuent au fil du temps, selon l’agriculteur N’fally Coulibaly, ce qui explique pourquoi d’autres agriculteurs et lui cherchent à acheter de nouvelles semences chaque année.

Il déclare : « Le problème avec les nouvelles variétés c’est qu’elles ne sont pas gratuites, et juste avant la saison pluvieuse, nous n’avons pas d’argent. »

L’autre problème, selon lui, c’est le manque d’informations sur les caractéristiques des nouvelles variétés, ainsi que la mauvaise publicité qui a été faite quand elles ont été introduites.

Monsieur Coulibaly déclare : « Beaucoup de gens hésitaient au début, car ils pensaient qu’il s’agissait de cultures GM [génétiquement modifiées]. »

Il souhaite que plus d’actions soient menées pour expliquer aux paysans la différence entre les semences hybrides développées à partir de techniques de reproduction naturelles, et les semences génétiquement modifiées produites en laboratoire. Monsieur Coulibaly affirme que cela aurait eu un impact considérable sur l’adoption au début.

Il ajoute : « Mais une fois que les sécheresses ont commencé, les gens ont rapidement constaté les rendements supérieurs et ont changé d’avis. »

La présente nouvelle est adaptée d’un article intitulé « Seeds of change: Mali farmers fight drought with hybrid crops, » rédigé par Soumaila Diarra pour Thomson Reuters Trust. Pour lire l’article original, cliquez sur : http://news.trust.org/item/20181106102012-drqw1/.