On est vendredi, et il est 15 h à Ségou, au centre du Mali. Dans la cour de l’école des déficients auditifs, l’ambiance est électrique. On entend çà et là des applaudissements. Au milieu de la cour, un cercle se forme autour de Hadizatou Coulibaly. Elle est déficiente auditive et élève en classe de neuvième à l’école des sourds muets de Ségou. Mademoiselle Coulibaly tient une serviette hygiénique, et montre aux autres filles comment gérer effectivement leur hygiène menstruelle.
Mademoiselle Coulibaly sensibilise ses camarades sur l’hygiène menstruelle en leur apportant des informations pour améliorer leur santé sexuelle et reproductive.
Elle souligne que les approches traditionnelles pour la sensibilisation concernant les menstrues dans les écoles ne sont pas adaptées aux besoins de la communauté des sourds-muets. Par conséquent, plusieurs filles manquent de connaissances essentielles, ce qui fait que certaines s’absentent de l’école pendant leurs périodes de menstrues, tandis que d’autres souffrent d’infections. Elle déclare : « Avec le langage de signes, on comprend mieux les messages. On n’a pas peur ni honte de poser des questions de compréhension entre nous. »
Il y a deux ans, mademoiselle Coulibaly a suivi des formations approfondies en santé sexuelle et reproductive avec l’ONG Association Malienne pour la Protection et la Promotion de la Famille. L’ONG offre des formations sur la santé sexuelle et reproductive aux groupes vulnérables, y compris les personnes sourdes et qui ont de la difficulté à entendre, ainsi qu’aux personnes handicapées. Durant ces sessions, elle a acquis de précieuses connaissances sur les bonnes méthodes de gestion des menstrues.
Mademoiselle Coulibaly a expliqué son projet de sensibilisation à la direction de son école qui l’a autorisée à mener ses activités d’information auprès des élèves sourdes-muettes chaque vendredi soir après les cours. Pour obtenir une participation, elle passe de classe en classe le matin pour informer les élèves des prochaines sessions. Elle déclare : « J’ai décidé de sensibiliser mes amies pour qu’elles puissent améliorer leur hygiène et pouvoir rester en classe même en période de menstruations. »
Elle explique que les sensibilisations se font en langage de signes pour la compréhension des élèves. Les sessions portent sur les bonnes manières de gérer les menstrues, notamment l’utilisation des serviettes hygiéniques, la façon dont une fille doit se comporter pendant sa période de menstrues, les signes annonciateurs des menstrues, les malaises et les troubles de comportement pendant les périodes de menstrues. Elle dit : « Lors des séances de sensibilisation, nous leur disons aussi que les règles ne sont pas une souillure, mais un phénomène naturel chez la femme. » Elles n’ont pas à avoir honte, mais au contraire elles doivent être fières de leur corps.
Aliou Maiga, le directeur de l’école, soutient que les filles sourdes muettes ne bénéficiaient pas de séances de sensibilisation spécifiques sur la gestion des menstrues. Il ajoute que l’école apprécie les sensibilisations de mademoiselle Coulibaly et l’appuie en distribuant régulièrement des serviettes hygiéniques aux filles sourdes muettes. Monsieur Maiga déclare : « L’an dernier 12 filles ont abandonné l’école. » Grâce aux efforts de sensibilisation de mademoiselle Coulibaly, les filles adoptent de meilleurs comportements et suivent les cours même pendant leurs menstrues.
Massitan Sangaré, une sourde muette et élève de l’école des déficients auditifs de Ségou, participe aux séances de sensibilisation sur l’hygiène menstruelle. Elle affirme que cela a changé sa vie. Elle déclare : « Avant lorsque mes règles survenaient, j’abandonnais l’école, car je ne savais pas comment m’y prendre. »Avec les séances hebdomadaires, elle a appris à reconnaître les signes annonciateurs des menstrues et comment porter une serviette hygiénique. Mademoiselle Sangaré a aussi appris à laver ses serviettes hygiéniques et à les faire sécher au soleil pour éviter les infections.
Assitan Keita est sage-femme au centre de santé communautaire de Pelengana, à Ségou. Elle explique que le cycle menstruel est la période qui va du premier jour des règles au premier jour des prochaines règles. Il prépare le corps de la femme à une éventuelle grossesse et dure en général 28 jours, bien que cela varie de 21 à 35 jours en fonction de la personne. Le cycle menstruel de la femme commence à la puberté jusqu’à la ménopause. Madame Keita explique que les symptômes liés aux règles sont le mal de dos, les maux de ventre, et la fatigue avant et pendant les règles.
Madame Keita pense que l’accès aux bonnes informations évite les grossesses non désirées et les infections. Elle plaide pour une formation des écoles, des enseignants et des parents pour la prise en charge psychologique des filles pendant leurs menstrues. Cela peut aider à gérer les aspects émotionnels et physiques des menstruations.
Mademoiselle Coulibaly est fière de contribuer à la santé de ses paires. Elle déclare : « La sensibilisation demeure le seul moyen pour lever le tabou autour des menstrues dans la société et je ne vais pas me lasser. »
La présente nouvelle a été produite dans le cadre de l’initiative « Hérè — Bien-être des femmes au Mali » qui vise à améliorer le bien-être des femmes et filles en matière de santé sexuelle et reproductive et à renforcer la prévention et la réponse aux violences basées sur le genre dans les régions de Sikasso, Ségou, Mopti et le district de Bamako au Mali. Le projet est mis en œuvre par le Consortium Hérè – MSI Reproductive Choices Mali, en partenariat avec Radios Rurales Internationales (RRI) et Women in Law and Development in Africa (WiLDAF) grâce au financement d’Affaires mondiales Canada.
Photo : Mlle Coulibaly tient une réunion avec ses pairs pour leur apprendre à gérer leurs menstruations, Mali, 2024. Photo de Dioro Cissé.