L’accès à la terre: un sujet qui fait beaucoup parler (Open Society Foundations, Reuters, TrustLaw)

| avril 9, 2012

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Partout en Afrique, l’accès à la terre est un problème prononcé. Qu’il s’agisse de droits fonciers, de régime foncier, de saisies de terres ou d’investissements étrangers, les histoires relatives à l’accès à la terre sont partout dans les nouvelles.

À l’occasion de la Journée internationale des luttes paysannes, le 17 avril, les questions foncières feront l’objet d’une édition spéciale d’Agro Radio Hebdo, la semaine prochaine. En guise d’introduction sur ce sujet, nous vous rapportons un échantillon des dernières nouvelles sur les questions foncières au Malawi, au Mozambique et au Kenya.

Novembre 2011 a été un bon mois pour les femmes du Malawi. Le Parlement malawite a alors finalement reconnu que les femmes ont le droit d’hériter des biens de leurs maris. Par le passé, après la mort d’un homme, sa femme et leurs enfants se retrouvaient souvent sans rien. En plus de perdre la maison familiale, les veuves devaient composer avec la famille du mari qui saisissait tous les biens – argenterie, literie, vêtements… tout.

Mais au Malawi, la nouvelle Loi sur les Biens des Personnes Décédées protège désormais la part de la conjointe et des enfants en matière d’héritage. D’après cette loi, toute spoliation de biens est une infraction passible d’une amende d’un million de kwacha malawiens (environ 6000 dollars américains) ou d’un emprisonnement maximal de trois ans.

Cette victoire n’a pas été acquise sans lutte. L’année dernière, un projet de loi demandant une modification des lois sur l’héritage a fait son chemin jusqu’au Parlement pour ensuite être rejeté. Les membres du Parlement, à prédominance masculine, ont exprimé leur malaise par rapport à l’idée que les épouses et les enfants devraient légalement avoir droit à une part de la succession après la mort d’un homme. Ils ont fait valoir que la distribution de l’héritage devait être dicté uniquement par la volonté du mari. Les parlementaires ont également soutenu que si les femmes avaient légalement le droit d’hériter des biens de leur mari, ce serait pour elle une incitation à tuer leurs maris.

Maintenant que la nouvelle loi a été promulguée, la prochaine étape est l’éducation. Les femmes du Malawi ne bénéficieront de la loi que si les juges et les communautés sont bien renseignés sur cette nouvelle loi. Une étape importante a été franchie, mais la lutte pour la justice continue.

Nous nous tournons maintenant vers le Mozambique. Entre novembre 2009 et décembre 2010, Vale, une société minière brésilienne, a déplacé plus de sept cents familles à 60 kilomètres de ses sites miniers de Moatize, dans la province du Tete, une région riche en charbon. En janvier de cette année, environ 500 villageois ont bloqué la ligne de chemin de fer qui transporte le charbon des mines vers la côte. Les villageois ont exigé que la compagnie tienne les promesses qui leur avaient été faites en 2009. Ils ont manifesté contre le manque d’accès à l’eau, à l’électricité et aux terres agricoles dans leur zone de réinstallation.

Eduardo Zinocassaka, le dirigeant de la communauté, a dit: « En décembre dernier, nous avons envoyé un document de plainte au gouvernement du district de Moatize, demandant son intervention officielle pour résoudre les problèmes vécus par les communautés, et comme nous avons constaté l’incapacité du gouvernement, nous avons décidé de manifester. »

Un rapport indépendant, qui soutient les revendications des villageois, a évoqué la responsabilité tant de l’entreprise que du gouvernement, dans cette affaire. Adriano Ramos est le directeur du développement durable à Vale-Mozambique. Il a admis que les plaintes étaient justifiées, et a promis que tout rentrerait dans l’ordre dans les six prochains mois. Le rapport a également accusé Vale de ne pas avoir atteint son objectif de contribuer à l’économie locale et d’embaucher des travailleurs locaux, une accusation qui a été contestée par Vale.

Au Kenya, une nouvelle constitution accorde aux femmes les mêmes droits fonciers qu’aux hommes. Mais les veuves sont encore forcées de quitter leurs terres. Certaines ont même été conduites à occuper des terres sans autorisation.

Des centaines de personnes se sont réunies dans le comté de Siaya, dans l’ouest du Kenya, le mois dernier, pour entendre les veuves expliquer comment elles avaient été dépouillés de leurs terres dans le cadre de pratiques culturelles les empêchant d’en hériter. Une femme âgée a dit : « Je pensais que c’était un rêve. J’ai tenté de résister, mais l’homme a détruit ma maison et mes biens alors que la police se contentait regarder. » Le mari de cette femme était décédé quelques semaines plus tôt. Elle a continué en disant : « J’occupe maintenant le terrain d’autrui avec mes six enfants. »

Une autre veuve a dit qu’un haut dirigeant civique avait pris de force la terre de sa famille peu de temps après que son mari était décédé. Elle a ajouté : « Chaque fois que j’essaie de déposer une plainte au tribunal, il me menace de mort, et personne n’est disposé à m’aider, comme beaucoup de gens le craignent en raison de ses connexions politiques. »

Les militants des droits des femmes ont appelé le gouvernement à former des comités juridiques dans les villages. Ces comités pourraient aider les femmes à faire valoir leurs droits fonciers et à éviter qu’elles et leurs enfants ne soient expulsés de leur maison.

Phoebe Nyawalo milite pour les droits des femmes. Elle dit : « La culture qui dicte que seuls les hommes doivent avoir leurs noms dans les titres de propriété est répugnante et aurait dû mourir avec la promulgation de la nouvelle constitution. »

En dépit de la nouvelle constitution, beaucoup de veuves et d’enfants n’ont toujours pas accès au système juridique en raison des actes d’intimidation, de l’ignorance et du coût élevé des dépôts de plainte.