Kenya: Un mauvais plan de relève agricole fait qu’il est difficile pour les agricultrices de gagner leur vie

| août 16, 2021

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Nouvelle en bref

Lorsque l’agricultrice kényane Dorothy Achieng et son mari divorcèrent, elle perdit tout accès et la propriété de l’exploitation familiale. Elle eut la chance d’avoir les moyens d’acheter deux acres pour subvenir aux besoins de ses enfants. Mais d’autres femmes ne sont pas aussi chanceuses. La mauvaise planification de la relève agricole et l’absence de prise de décision partagée sont monnaie courante. En effet, en prenant de l’âge, les agriculteurs(trices) n’ont parfois aucun plan quant à la personne qui sera responsable de l’exploitation agricole, et les femmes sont souvent exclues. Certain(e)s pensent que la propriété et le pouvoir de décision sont réservés uniquement aux hommes. Mais d’autres ne partagent pas cet avis. Selon, Albert Cheruiyot, père de quatre enfants, la prise de décisions concernant son exploitation est partagée entre les hommes et les femmes. Il explique que, lorsque tous les membres de sa famille acceptèrent que l’agriculture profitait à tous, quel que soit le sexe, ils commencèrent à prendre les décisions ensemble. Maintenant, dit-il, l’exploitation fonctionne bien.

Dorothy Achieng est debout, les mains aux hanches dans sa plantation de papaye sur les berges du lac Victoria. Elle observe les belles papayes vertes qui sont en train de mûrir et sourit, car son rêve de posséder une terre productive s’est réalisé.

Elle déclare : « Je suis contente d’avoir mon propre lopin de terre, car sans cela, je serai toujours en train de souffrir de la pauvreté. Je peux cultiver des papayes et d’autres denrées pour nourrir mes cinq enfants. »

Madame Achieng vit dans le village de Lambwe, dans le comté de Homa Bay, au Kenya. Son mari et elle ont divorcé en 2017, et comme il est difficile pour une femme d’hériter de la terre dans sa communauté, il n’était pas facile pour elle de gagner sa vie.

Pour remédier à la situation, madame Achieng acheta deux acres de terre et y cultiva de la papaye et des denrées comme le maïs, le tournesol et la citrouille.

Elle explique : « Quand les femmes n’ont pas de terre, elles ne peuvent pas produire de la nourriture. Dans mon cas, lorsque les enfants ont un besoin quelconque, c’est chez moi qu’ils se plaignent en tant que leur mère. Je dois m’occuper de leurs besoins essentiels, tels que la nourriture, les vêtements et les frais de scolarité. »

Madame Achieng fait partie des quelques rares femmes chanceuses au Kenya qui possèdent une terre, produisent des denrées pour nourrir leur famille et ont un surplus qu’elles vendent pour subvenir aux besoins essentiels de leurs enfants. À ses dires, la plupart des femmes de sa région ont un problème particulier : il n’existe pas de plan de succession qui indique à qui doit revenir une exploitation agricole familiale en cas de décès du mari ou après un divorce.

Elle explique que, comme il n’y avait pas de plan de succession, la terre appartenait à son mari, conformément à la culture et aux traditions de la région.

Elle déclare : « Dans ma région, les croyances traditionnelles et culturelles sont une barrière pour les femmes lorsqu’il est question de propriété foncière, notamment par héritage. Cela entrave leur capacité à être actives sur le plan économique. »

Christine Cheptoo, 26 ans, est originaire de Kericho, dans la vallée du Rift, au Kenya, et a le même problème. Ses efforts pour hériter de la terre de son père ont échoué en raison d’un conflit familial. Elle explique : « Mes frères aînés m’ont empêchée de cultiver sur l’exploitation agricole de mon père tout de suite après son décès. Au lieu de cela, j’ai loué une acre non loin de chez moi où j’ai commencé à cultiver des tomates. »

Elle affirme que la prise de décision concernant les exploitations agricoles familiales est souvent gérée par les garçons, ajoutant que cela freine la contribution des femmes à la réduction de l’insécurité alimentaire.

Selon John Omondi, un agriculteur du village d’Aringo dans le comté de Homa Bay, la terre est la propriété de hommes seulement, et les enfants mâles sont les héritiers légitimes de la terre de leurs parents.

Monsieur Omondi demande : « Mes filles contribuent aux activités agricoles familiales pendant qu’elles sont encore à la maison, et je sais qu’elles vont se marier, alors pourquoi vais-je diviser la terre pour elle? »

Albert Cheruiyot, père de quatre enfants, affirme que dans sa famille la prise de décisions concernant son exploitation agricole familiale est partagée équitablement entre les hommes et les femmes. Il explique : « Nous nous sommes assis avec ma femme et les enfants et nous avons convenus que les choses qui concernaient l’agriculture familiale devait profiter à tout le monde, homme ou femme, » et ajoute que les choses se passent bien maintenant que tout le monde dans la famille est impliqué dans la planification agricole.

Betty Anyango est une diplômée en économie de 31 ans qui a renoncé à sa carrière en 2018 à cause du manque d’emploi et s’est lancée dans l’agriculture. Elle vit à Kanyira, un village du comté de Homa Bay et elle est une autre agricultrice qui a contourné les normes culturelles qui compliquent la vie aux femmes.

Madame Anyango, qui n’est pas mariée, affirme que sa culture ne permet pas aux femmes d’hériter de la terre de leurs parents. Exclue du plan de succession de l’exploitation familiale et incapable de trouver un emploi sur le marché du travail compétitif, elle décida en 2018 d’acheter sa propre terre pour cultiver. Elle cultive des pastèques et des légumes, et est satisfaite de l’agriculture, car elle gagne sa vie avec ça.

Faith Alubbe est la directrice générale de la Kenya Land Alliance. Elle soutient que, même s’il existe des lois qui protègent les droits des femmes à la terre, il y a des écarts entre la théorie et la pratique, car plusieurs personnes se conforment toujours aux croyances traditionnelles et culturelles selon lesquelles la terre appartient aux hommes seulement.

Madame Achieng affirme qu’il est important pour chaque famille agricole d’avoir un bon plan de succession qui désigne les personnes auxquelles la terre devrait revenir après le décès de l’homme qui en est propriétaire. Selon elle, si elle n’avait pas travaillé d’arrache-pied et fournit un effort pour acheter sa propre terre après son divorce, elle serait encore aux prises avec la pauvreté.

Elle ajoute : « J’ai assez de nourriture pour ma maisonnée maintenant. Nous consommons toujours des produits agricoles de la saison précédente. Je suis fière parce que lorsqu’on a assez à manger, on ne s’inquiète plus en tant que mère. »

Radios Rurales Internationales collabore avec l’Activité de développement des systèmes de cultures et de marchés laitiers (KCDMS) au Kenya de l’initiative Feed the Future de l’USAID, mise en œuvre par RTI International, pour une coproduction de ressources de contenu radiophonique visant à promouvoir l’entrepreneuriat des jeunes dans le secteur agroalimentaire. Cette activité est réalisée grâce au généreux soutien du peuple américain par l’entremise de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), avec l’assistance technique de RTI International. Les contenus relèvent de la responsabilité de Radios Rurales Internationales et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l’USAID ou du gouvernement des États-Unis.

Photo : Grace Msictwa, Eva Visima, Agnes Mgzya et Lilian Nyambulzpi discutent de leurs histoires à Njombe, en Tanzanie, le 19 avril 2017, tandis que Johnabu Kiombo appelle un agriculteur local pour lui dire ce qu’il a appris des femmes. Crédit : IDRC/Bartay.