Nelly Bassily | mai 2, 2011
William Muriuki et sa femme Ruth inspectent leur ferme maraichère, dans le petit village de Karimagachiije, à près de 15 kilomètres de la ville de Meru, dans le centre du Kenya. Choux, oignons et pommes de terre irlandaises sont prêts à être transportés vers le marché. Mais la question est de savoir dans quel marché.
Identifier les meilleurs marchés n’était pas un problème auparavant, comme l’explique l’agriculteur de 73 ans. « Il était facile d’associer certains légumes à une saison déterminée, dans une région particulière, nous savions alors quels étaient les endroits les plus appropriés pour vendre nos produits. »
Mais l’évolution du climat a perturbé les schémas de commercialisation. M. Muriuki dit: « Ce n’est plus aussi prévisible qu’autrefois. Nous devons désormais identifier physiquement les lieux où la demande est forte. »
Jusqu’à très récemment, les agriculteurs locaux pouvaient être sûrs que les pluies tomberaient aux alentours du 25 mars, chaque année. À la fin du mois d’avril, c’était la saison pour la plupart des légumes, ce qui se traduisait par une faible demande sur les marchés avoisinants. Mais, dans la majeure partie de la Province de l’Est, les pluies ont tardé à venir ou ne sont pas arrivées du tout. Les agriculteurs de la région centrale savaient qu’ils pouvaient obtenir un bon prix pour leurs produits dans l’Est.
Mais ce n’est plus le cas. M. Muriuki explique: « Au cours des dernières années, j’ai vu les pluies tomber beaucoup plus tôt que prévu, ou bien très tard. Parfois, il pleut dans la Province de l’Est beaucoup plus tôt ou en même temps qu’ici, ou alors il n’y a pas de pluie dans les deux régions. »
Dans ces conditions difficiles, M. Muriuki s’est tourné vers la technologie pour l’aider à identifier le bon marché.
Depuis sa ferme, M. Muriuki sort un téléphone portable de sa poche pour composer un message texte. Il saisit le mot « prix », suivi du mot « chou », puis le nom du lieu, « Embu ». Il envoie le message au numéro 3535. Presque immédiatement, il reçoit une réponse disant: « Chou sac 126 kg au prix de Ksh400 à Embu à partir du 01/04/2011. »
Ce message signifie qu’un sac standard de chou, pesant environ 126 kilos, se vend 400 shillings kenyans (environ 5 dollars américains) dans la ville d’Embu depuis le premier le 1er avril.
M. Muriuki compose un autre message mais écrit, cette fois, « Nairobi » au lieu d’Embu. La réponse lui dit que la même quantité de chou se vend 2100 shillings (plus de 26 dollars américains) dans la capitale kényane – plus de cinq fois le prix de vente à Embu.
Une fois qu’il a calculé les frais de transport jusqu’à Nairobi et jusqu’à Embu, M. Mariuki peut alors identifier quel marché est susceptible de lui rapporter plus de profit. L’envoi de chaque message texte coûte 10 shillings (environ 12 cents américains).
M. Muriuki dit que trouver le bon marché est l’un des plus grand défis pour les agriculteurs depuis quelques temps. Il dit: « Mais maintenant, la technologie nous libère lentement mais sûrement. »
Ce couple retraité cultive des choux, des tomates, des pommes de terre irlandaises, des bananes, des oignons et d’autres légumes depuis dix ans. Avec des informations à jour sur les marchés, ils peuvent désormais accéder à des données inestimables, grâce à leur téléphone portable, pour suivre l’évolution des prix du marché.
Ils utilisent un système appelé M-Farm, un logiciel de téléphone portable créé par trois étudiantes de l’Université de Strathmore, à Nairobi.
M-Farm est un service qui offre aux agriculteurs des informations en temps réel sur les prix du marché à travers le pays, par le biais de leurs téléphones portables. Il a été adopté par des milliers d’agriculteurs du Kenya.
L’équipe de M-Farm a transformé le service en une entreprise à part entière avec au moins deux agents dans chacune des cinq grandes villes agricoles du Kenya: Nairobi, Eldoret, Mombasa, Kisumu et Kital.
Les agents saisissent des informations précises dans la base de données M-Farm, chaque semaine. Dans les petites villes, le travail est fait par des agriculteurs pré-sélectionnés.
Jamilla Abass est membre de l’équipe qui a développé le service. Elle dit: « Notre objectif ultime est que tous des agriculteurs de partout dans le pays utilisent ce service, afin qu’ils puissent obtenir des informations sur les prix en temps réel, sans l’intervention des commerçants. »
L’équipe de M-Farm est en train de développer d’autres services pour les agriculteurs, tels qu’une connexion entre agriculteurs qui veulent acheter ou vendre les mêmes produits, de sorte qu’ils puissent faire du commerce en gros et obtenir le meilleur prix.