Kenya: Des résidents de zone forestière nouvellement réinstallés se tournent vers la culture du bambou

| août 20, 2012

Téléchargez cette nouvelle

Il fait frais, ce matin, dans le village d’Olenguruone, sur le flanc sud de la Vallée du Rift, au Kenya. Mais Gloria Chepng’etich se réchauffe en se concentrant sur son travail. Soigneusement étalés sur son banc de travail sont des épissures de bambou que la jeune femme de 21 ans va tresser pour en faire des tapis, dans l’heure qui va suivre.

Elle passera ensuite le fruit de son  travail à sa collègue, Zipporah Sirui, qui le finalisera en le colorant d’un mélange de teintes oranges, rouges et grises. Un seul tapis peut se vendre autour de 50$, ce qui est suffisant pour permettre à chacune de ces travailleuses d’acheter de la farine et d’épargner un peu d’argent pour les temps difficiles.

En plus de leur travail, Chepng’etich et Sirui ont quelque chose d’autre en commun. Elles sont toutes deux des déplacées internes. Elles étaient parmi les milliers de familles évincées du complexe de la forêt Mau par le gouvernement en 2009, suivant les pressions des environnementalistes qui prônaient la réhabilitation de cette zone.

Le complexe est constitué de 16 blocs de forêt sur le côté ouest de la Vallée du Rift. C’est la plus vaste forêt indigène d’Afrique de l’Est, et il génère et reçoit des pluies qui sont cruciales pour le Kenya et les régions environnantes.

L’éviction des habitants de la forêt a permis au gouvernement kenyan de recevoir des louanges aux niveau national et international. Les fonctionnaires ont soutenu que cela réduirait les récoltes illégales de ressources forestières et créerait de l’espace pour la reforestation. Mais il y a eu de sérieuses conséquences sociales et économiques.

Chepng’etich dit: « On nous a envoyés dans le camp Kurbanyat pour déplacés internes. Pendant longtemps, nous dépendions de l’aide alimentaire, mais les fonctionnaires ont commencé à la voler. » Les agents du Projet BamCraft, qui reçoit des fonds internationaux, ont trouvé les deux femmes, sans ressources et désespérées, parmi des centaines d’autres déplacés internes.

Mais maintenant, les déplacés internes ont trouvé une nouvelle façon de gagner leur vie en se tournant vers la culture du bambou -et sans couper d’arbres. À Kapkempu, un camp voisin de déplacés internes, Hudson Sang’ assemble des planches de bambou traité qu’il utilisera pour fabriquer des meubles. Il vend un ensemble de meubles en bambou au prix d’environ 100$. Il explique: « Nous avons environ une acre de terres (0.4 hectare) sur laquelle on cultive du bambou. Après la récolte (du bambou), nous faisons des tables, des chaises, des tapis, des paniers, des balais, des colliers, des plats sucrés, des pipes et même des coupes à vin. » Sang’ et d’autres déplacés internes louent le terrain, qui appartient à des bienfaiteurs, en attendant d’être réinstallés de façon permanente par le gouvernement.

En 2000, le gouvernement a fait passer une loi qui restreint la collecte de ressources forestières dans toutes les forêts gouvernementales. La législation exige des Kenyans qu’ils obtiennent la permission des autorités locales avant de couper tout arbre dans leur ferme. Mais Sang’ n’a plus à s’inquiéter des gardes forestiers en charge de faire respecter cette interdiction. Elle ne s’applique pas au bambou puisque cette plante est classifiée comme une herbe géante.

Le Kenya Forestry Research Institute (KEFRI) a étudié les opportunités offertes par les produits autres que le bois, et la possibilité qu’ils réduisent le stress imposé aux forêts. Gordon Sigu est un scientifique chercheur travaillant à l’institut. Il dit: « Nos recherches ont montré que l’herbe (…) peut compléter la demande croissante pour le bois, sur le plan national et au-delà. » Il dit que le bambou pousse très vite et que les agriculteurs n’ont pas besoin d’un grand lopin de terre pour le cultiver.

Joshua Cheboiywo est le directeur régional du KEFRI dans la Vallée du Rift. D’après lui, le pays a la capacité de générer presque 25 millions de tiges de bambou par année, sans utiliser une quantité excessive des ressources nationales d’eau. Beaucoup de bambou est actuellement perdu parce que peu de gens reconnaissent sa valeur commerciale.

Cette initiative crée des avantages économiques pour les déplacés internes. Mais le gouvernement espère que l’utilisation de bambou comme une ressource alternative au bois, en plus de l’application de l’interdiction de couper du bois dans le complexe de Mau, aidera le pays à atteindre son objectif d’accroître la surface boisée de 10 pour cent dans les 30 prochaines années.