Kenya: Des agriculteurs font du troc pour améliorer leur sécurité alimentaire (AlertNet)

| janvier 21, 2013

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Le marché bourdonne d’activité au centre commercial Gakindu de Nyeri, une ville située au centre du Kenya. Les commerçants transportent des sacs de produits frais dans des chariots, et déplacent des troupeaux de chèvres, de moutons, de bovins et de porcs dans des remorques. Leah Wambui, commerçante, s’installe au milieu de cette foule et se prépare à une matinée de travail.

Dans ce marché, c’est entre commerçants que se font le papotage et le marchandage. Ils ont décidé d’éliminer les intermédiaires et même l’argent comptant. À la place, ils font du troc entre eux.

L’échange d’un type de bien contre un autre est une pratique très ancienne. Pour un nombre croissant de gens à Nyeri, elle gagne en popularité car elle peut aider à combattre les pénuries alimentaires, qui sont de plus en plus fréquentes.

Mme Wambui explique comment ça fonctionne pour elle. Elle dit : « Si j’ai besoin d’un poulet, je me rends au marché avec un panier plein de maïs et je cherche quelqu’un qui serait intéressé par mes produits. Si on s’entend pour dire que nos produits ont une valeur équivalente, j’échange alors mon grain contre le poulet. »

Elle n’a pas toujours fonctionné ainsi. Auparavant, Mme Wambui vendait son grain à des intermédiaires qui venaient au village au moment de la récolte. Elle dit qu’ils l’achetaient à très bas prix. Une fois que son grenier à grains était vide, elle dépensait ses maigres revenus afin de nourrir sa famille. Mais il n’y en avait pas assez pour leur permettre de tenir jusqu’à la récolte suivante. Souvent, sa famille devait s’en remettre à l’aide alimentaire, qu’il fallait attendre pendant un mois.

Les pluies irrégulières ont donné lieu à de mauvaises récoltes au cours des dernières années, ce qui a aggravé les choses pour les agriculteurs de Nyeri. En 2011, le Kenya a vécu la pire sécheresse jamais documentée de son histoire. Le chef du village a convoqué une réunion communautaire pour discuter de la sécheresse, et l’idée du troc a été proposée.

Mureithi Githinji est le directeur du marché du village. Il dit qu’au début, les gens ont résisté à cette idée. Mais lorsque quelques personnes ont décidé d’échanger des biens, elles se sont rendu compte qu’elles pouvaient tenir jusqu’à la saison suivante. Très vite, d’autres personnes ont adopté le troc, qui est devenu de plus en plus populaire.

Certains experts voient le troc comme un moyen d’optimiser la sécurité alimentaire. Ronald Sibanda est le représentant du Programme Alimentaire Mondial au Kenya. Il dit qu’il n’y a rien de mal à faire du troc, vu que cela permet au gens d’obtenir les denrées qu’ils désirent.

L’idée du troc n’intéresse pas tout le monde. John Kabiro est commerçant à Nairobi, la capitale. Il soutient que le troc nuit à l’économie monétaire, et que que cela lui fait perdre de l’argent.

Mais Mme Wambui ainsi que beaucoup d’autres agriculteurs de Nyeri sont pour leur part convaincus. Ils ne veulent plus vendre leurs denrées aux marchands pour se les faire revendre durant les temps de sécheresse. Ils sont parvenus à assurer leur sécurité alimentaire en éliminant le recours aux intermédiaires.