Kenya : Des agriculteurs cultivent du soja pour lutter contre la striga

| janvier 5, 2019

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Il est midi et Francis Babu désherbe son champ de maïs et de soja avec une houe. Ses mains et sa houe bougent suivant le rythme et les paroles de son chant préféré qu’il fredonne en travaillant.

Parfois, il dépose sa houe et s’accroupit pour arracher les mauvaises herbes à la main. Pendant tout ce temps, il chante en luo « Kayongo ee kayongo; kayongo okadwar neni but puodha … kayongo in jajuok marich [Striga, je ne veux pas te voir près de ma ferme … striga tu es une méchante sorcière]. »

En luo, Kayongo signifie striga ou « herbe du sorcier » comme on l’appelle couramment. Malgré les belles fleurs roses qu’elle porte une fois parvenue à maturité, les agriculteurs et les agricultrices affirment qu’il s’agit d’une herbe dangereuse. Selon eux, elle est dangereuse parce qu’elle peut étouffer d’autres plantes, dont le maïs et le niébé. Cette herbe pousse dans plusieurs régions du Kenya et a longtemps causé des soucis à monsieur Babu et plusieurs autres paysans et paysannes, et surtout à ceux et celles des régions productrices de céréales comme le maïs, le mil rouge, le riz et le sorgho.

Monsieur Babu est originaire de Nyabisagwa, un village du comté de Migori, à l’ouest du Kenya, où il exploite une ferme d’une acre et demie. Cela fait plus de dix ans que la striga ne lui cause plus de soucis, car il pratique la culture intercalaire et la rotation des cultures. Il alterne le soja avec d’autres cultures céréalières.

Il juge la culture intercalaire et la rotation des cultures plus efficaces que d’autres moyens de lutte contre la striga. Au début, monsieur Babu avait tenté d’utiliser du fumier d’étable pour éliminer la striga, mais cette méthode n’avait pas été très efficace. Il explique : « Je n’avais pas suffisamment de fumier pour toute la ferme, car je possédais deux bêtes seulement … [et elles] ne pouvaient pas me procurer suffisamment de fumier. »

Il découvrit par la suite que le soja pouvait également l’aider à combattre la striga.

Monsieur Babu soutient que les agriculteurs et les agricultrices de sa région qui cultivent le soja pour combattre la striga enregistrent des récoltes exceptionnelles de maïs, de sorgho et de mil rouge.

Charles Omare Ochako est un agriculteur du village voisin de Banana. Monsieur Babu lui a montré comment cultiver le soja pour contrôler la striga. Monsieur Ochako déclare : « J’avais presque abandonné l’agriculture à cause de la striga. Mais, maintenant, je suis un agriculteur heureux. »

Il dit qu’après avoir essayé de cultiver le soja et le maïs de façon intercalaire et de les alterner, il a de meilleurs rendements. Alors que son exploitation de deux acres ne lui rapportait que sept sacs de maïs généralement chaque saison, il parvient désormais à récolter 18 sacs, voire plus, depuis qu’il combat la striga avec le soja. En outre, cela fait maintenant huit années qu’il n’a vu aucune striga dans son champ de trois acres.

Monsieur Babu affirme que les agriculteurs et les agricultrices doivent cultiver le soja en association avec des céréales durant la deuxième saison suivant la production d’une céréale. Il ajoute qu’ils doivent éviter de cultiver du maïs sur la même ligne où ils avaient cultivé une céréale la saison précédente.

Il ajoute : « Un agriculteur peut choisir de semer deux rangées de soja entre deux rangées de maïs. [Cependant], il doit y avoir des marques permanentes pour lui montrer où se situaient les rangées de maïs de la saison précédente pour éviter de semer du [maïs] au même endroit. »

Il est important de semer le soja dans tous les coins du champ durant les deux premières saisons de la culture intercalaire pour mieux contrôler la striga. Durant la deuxième saison de culture intercalaire, les agriculteurs et les agricultrices doivent semer le soja exactement là où ils avaient cultivé du maïs la saison précédente. Ainsi, le maïs qui est sensible à la striga poussera dans des endroits où les populations de striga sont déjà limitées.

Monsieur Babu explique que le marquage des rangées permet de garantir une maîtrise complète de la striga par le soja dans chaque recoin du champ.

Eric Moturi travaille comme phytotechnicien dans la région. Monsieur Moturi affirme que les graines de striga peuvent subsister 20 ans dans le sol. Il explique » « Les semences peuvent demeurer inactives plusieurs années jusqu’à ce qu’elles trouvent une plante hôte pouvant faciliter leur germination. »

La striga est de nature un parasite qui vit d’éléments nutritifs et de l’eau provenant des racines de la culture hôte qui fane ou devient chétive.

Monsieur Moturi explique que le soja rend la striga moins dangereuse pour la principale culture. Le soja a un effet d’allopathie sur la striga, ce qui signifie que ses racines dégagent un produit biochimique qui déclenche la germination de la striga, mais qui par la suite l’empêche de trouver une culture hôte sur laquelle se fixer, entraînant ainsi la mort du plant de striga.

Grâce au soja, monsieur Babu est certain que la striga n’apparaîtra plus sur son exploitation. Il déclare : « Vous trouverez désormais dans notre localité plusieurs agriculteurs dont les cultures céréalières sont en bonne santé, mais les miennes sont les meilleures. »

La présente nouvelle a été initialement publiée en janvier 2018.