Kenya : Des agriculteurs cherchent des solutions pour amoindrir l’impact des criquets

| mars 16, 2020

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Nouvelle en bref

Dans le village de Kamiu, au Kenya, la ferme de Douglas Kinyua grouille de millions de criquets. Tout en donnant des coups dans l’essaim avec un balai fait de feuilles de bananier, il se demande s’il ne perdra pas ses deux acres de maïs. Un criquet adulte consomme quotidiennement une quantité de végétaux équivalente à son poids. À mesure que les criquets envahissent le Kenya et le reste de l’Afrique de l’Est, plusieurs agriculteurs et agricultrices s’inquiètent pour leur sécurité alimentaire actuelle et durant les prochains mois. Certain(e)s récoltent tôt ou plantent des cultures racines qui, espèrent-ils, survivront aux criquets. D’autres ralentissent la multiplication de ces insectes en détournant vers des tranchées les jeunes sauterelles qui sont incapables de voler. Cependant, il s’agit de mesures préventives limitées. La méthode de lutte la plus efficace contre les gros essaims de criquets demeure la pulvérisation aérienne que le gouvernement kényan a entreprise.

Il est presque midi et Douglas Kinyua tente de disperser un essaim de criquets, en les tapant avec un balai en feuilles de bananier. Il s’arrête et nettoie la sueur qui perle sur son visage, puis recommence à chasser les insectes.

Monsieur Kinyua craint de perdre ses pois velus, son niébé et la totalité de ses deux acres de maïs qui sont presque prêts pour la récolte. Il crie fort : « Partez! » Il explique : « Je n’ai jamais vu une si grande armée de criquets. Ils vont manger toutes mes cultures. Que Dieu ait pitié de nous. »

Monsieur Kinyua vit à Kamiu, un village du comté d’Embu, à environ 250 kilomètres, au nord-est de Nairobi, la capitale kényane. Un essaim de criquets s’est abattu sur la région, provoquant la peur et la panique chez les agriculteurs et les agricultrices de son village et des régions voisines.

Les essaims de criquets peuvent causer d’importants ravages et pourraient détruire les cultures de monsieur Kinyua en un jour. Un criquet peut à lui consommer l’équivalent de son poids en végétaux chaque jour, et un essaim est généralement composé de 40 à 80 millions de criquets.

Monsieur Kinyua espère que le fait de chasser et d’apeurer les criquets fera effet, mais le nombre énorme leur nombre dépasse l’entendement.

Selon le secrétaire du cabinet du ministère de l’Agriculture, Peter Munya, à la date du 10 mars, les criquets étaient présents dans 26 comtés du nord et du centre du Kenya, et surtout plus nombreux à Marsabit, Isiolo, Samburur, Turkana et Garissa.

L’agriculteur Richard Ndwiga vit à un kilomètre environ de chez monsieur Kinyua. Un essaim de criquets a envahi ses cultures de maïs et causé des destructions à son champ d’une acre. Pour pallier la situation, monsieur Ndwiga et sa femme récoltent le maïs qui n’est pas complètement mature pour sauver quelque chose de leur ferme.

Il explique : « Nous ne voulons prendre aucun risque avec ces criquets. Nous retirons du champ tout plant de maïs qui est sur le point de parvenir à maturité ou prêt à être récolté avant que les criquets détruisent toutes nos cultures. »

La peur qui anime le village de Kamiu est la même que vivent plusieurs comtés kényans. Toutefois, la situation est différente à environ 300 kilomètres, dans le comté de Narok, au sud du Kenya. Le 27 février, les criquets n’étaient pas encore arrivés dans cette région.

Les agriculteurs et les agricultrices des comtés du sud ont déjà reçu des avertissements concernant les criquets et récoltent plus tôt, creusent des tranchées et comptent cultiver des tubercules et des oignons.

Isaac Lempaya cultive dans le comté de Narok. Il affirme vouloir planter des oignons et des patates pour avoir quelque chose à récolter même si une invasion de criquets survient dans la région. Il déclare : « Mes oignons seront en parfaite sécurité si les criquets viennent dans ma ferme bientôt. »

Wycliff Njoroge est agronome dans la ville Nakuru, juste au nord du comté d’Embu. Selon lui, même si les bulbes d’oignon ou les tubercules de pommes de terre peuvent ne pas être à l’abri d’une attaque acridienne, il est plus probable que les criquets ne les détruisent pas entièrement.

Monsieur Njoroge explique : « Les tubercules et bulbes poussent sous terre. Si les criquets attaquent, les chances de survie d’un plant dépendront en grande partie de son âge. Plus les plants sont jeunes, plus le niveau de dégâts est élevé. »

Il poursuit : « Au deuxième mois de croissance, les bulbes et les tubercules grossissent et peuvent survivre même sans leurs parties végétatives, car, en ce moment, ils n’attendent que d’être matures. »

Dans le comté de Kitui, où les criquets ont déjà attaqué les champs, les paysans et les paysannes creusent pour mettre à découvert les œufs afin de ralentir la reproduction de ces insectes. Ils creusent également de petites tranchées profondes de deux pieds autour de leurs champs pour piéger les jeunes criquets incapables de voler. Lorsque ces derniers sont dans les tranchées, les agriculteurs et les agricultrices peuvent les ramasser ou les détruire facilement.

Certain(e)s se tournent vers l’agriculture sous serre et se sentent à l’abri des criquets. Allan Obara cultive dans le village de Chitago, dans le comté de Kisii, au sud-ouest du Kenya. Il affirme que son poivron et ses tomates sont en sécurité dans sa serre.

Il déclare : « Si plusieurs agriculteurs adoptaient l’agriculture sous serre, alors nous serions certains d’être protégés contre les criquets. »

En attendant, monsieur Kinyua soutient qu’il devra compter sur ses deux vaches pour avoir de la nourriture et un revenu. Elles lui procurent 10 litres environ de lait par jour. Mais, il se demande comment trouver une quantité suffisante pour ses animaux puisque les criquets ont détruit les pâturages.

Il devra cultiver des cultures à cycle court pour réduire le risque d’insécurité alimentaire. Monsieur Kinyua explique : « J’envisage de cultiver des cultures à cycle court comme le haricot, la pomme de terre et les tomates qui parviennent à maturité en trois mois environ. J’espère également que j’obtiendrai au moins 300 000 shillings kényans (environ 2 890 $ US) pour démarrer l’agriculture sous serre. »