Kenya : Absence de justice pour les victimes de violence sexuelle (Trust)

| décembre 12, 2014

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Mme Ayaimba n’en revenait pas. Un homme était rentré dans son bureau et avait demandé qu’on lui remette sa fille. Il avait été arrêté juste deux jours auparavant pour avoir violé la fillette de trois ans.

Mme Ayaimba est une agente de l’administration locale dans un quartier pauvre de Nairobi. Selon des rapports médicaux, la fillette de trois ans avait l’hymen déchiré, des marques de morsure, des contusions et des incisions. Cependant, le policier qui avait libéré l’homme et l’avait accompagné au bureau de Mme Ayaimba avait insisté pour que la fillette soit remise à son père.

« Comment pouvais-je remettre l’enfant au père qui la violait jour et nuit? », demanda Mme Ayaimba, avant d’ajouter : « L’oncle de cet homme, un grand cadre de l’administration, est venu me dire : ‘Si vous n’amenez pas l’enfant et vous ne laissez pas tomber cette affaire, je m’assurerai que vous soyez licenciée’. »

Les statistiques gouvernementales montrent qu’une fille sur trois au Kenya subira une violence sexuelle avant 18 ans. Mais, selon les défenseurs des droits de la personne, au Kenya, plusieurs rescapées de la violence sexuelle n’obtiennent pas justice en raison d’un « fléau» de corruption et d’intimidation.

Les médecins, les juristes, les agent(e)s de police et les travailleuses et les travailleurs communautaires qui participaient récemment à un séminaire sur la violence sexuelle à Nairobi ont accusé le système de justice pénale dysfonctionnel d’en être responsable.

Les suspects tentent de soudoyer et menacer les policières et les policiers, les juges et les rescapées. L’ignorance des populations, la stigmatisation et la pauvreté constituent d’autres problèmes. Les familles pauvres cèdent souvent à la violence et abandonnent l’affaire moyennant quelques billets de banque.

Un agent de police raconte : “On m’a menacé à plusieurs reprises. J’ai eu des cas où le plaignant(e) a disparu mystérieusement. [Deux plaignant(e)s ont été tués. » Les détectives de police du Kenya sont débordés. Leur moral est bas et ils manquent de formation et du matériel nécessaires pour recueillir et bien conserver les preuves.

Edigah Kavulavu travaille en qualité de juriste auprès du chapitre Kenya de la Commission internationale des juristes. Il raconte : « Les gens ne sont pas bien informés sur la conservation des preuves. En outre, [face au tabou] lié au viol, [plusieurs victimes] partent et prennent un bain et … détruisent [ainsi] les preuves. » Un expert judiciaire ajoute que parfois les crimes ne peuvent être uniquement élucidés que lorsqu’on essaie de comparer l’ADN de l’enfant né d’une victime de viol avec celui du violeur.

La plupart des victimes de violence sexuelle sont des enfants, et une grande partie des coupables sont des personnes qu’ils connaissent. Un médecin a soigné deux sœurs, âgées de six et sept ans, après qu’elles ont été violées. Le médecin raconte : « [Le coupable] a payé une chèvre à leur père et l’affaire a été classée. Justice n’est jamais rendue, les gens ne sont pas poursuivis et les coupables sont susceptibles de commettre le même délit. » Il ajoute : « Certaines [des rescapées] ont tout simplement peur de se rendre à la police. On doit aider les familles à se présenter au tribunal, afin de poursuivre les coupables. »

Mais la justice n’est pas facile à obtenir, même pour les personnes courageuses. Les dossiers peuvent traîner pendant des années et les survivantes et les témoins sont à court de temps, d’argent et se retrouvent à bout de force. Les procureurs ont de la difficulté à relier les histoires racontées par les survivantes avec le peu de preuves recueillies.

Un avocat soutient que si le crime perpétré fait l’objet d’une mauvaise enquête, et que les preuves sont recueillies de manière erronée, il est difficile de porter une accusation.

Mme Ayaimba a refusé de remettre la fillette de trois qui avait été violée à son père. Deux ans plus tard, la fillette est en sécurité et l’affaire suit son cours devant les tribunaux.

Note de la rédaction : Mme Ayaimba a refusé de donner son vrai nom au journaliste qui a mené l’enquête.

Pour lire l’intégralité de l’article duquel provient cette histoire intitulée « Quel est le prix à payer pour le viol d’un enfant? Au Kenya, l’impunité peut être achetée avec une chèvre », cliquez sur : http://www.trust.org/item/20141111115659-zgoko