Île Maurice: Culture en mer (IPS)

| juillet 8, 2013

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Patrick Guiliano Marie observe une foule de gens se bousculer sur le débarcadère de Grand Gaube, un village du nord de l’Île Maurice.

Il crie: « Pas de bagarre, s’il vous plaît. Tout le monde aura du poisson. Laissez-nous le temps de vider les caisses et de peser la prise d’aujourd’hui. » La foule attend impatiemment pour acheter le poisson capturé à l’aide de cages placées dans le lagon.

M. Marie est le leader de la St. Pierre Fish Multi-Purpose Cooperative Society. Durant sept mois dans l’année, les membres de cette société pêchent du poisson dans le lagon, à l’aide de lignes à hameçon. Durant les cinq mois restants, ils collectent les poissons qui se font prendre dans leurs cages.

Les temps ont changé à l’Île Maurice. Il y a une décennie, les pêcheurs pouvaient simplement jeter leurs filets dans le lagon et attraper autant de poissons qu’ils le voulaient. Maintenant, environ 50 pour cent du poisson que les Mauriciens mangent est importé.

Les perspectives d’avenir sont incertaines à l’Île Maurice. M. Marie dit: « Nos prises ont maintenant diminué à cause de la pollution industrielle. L’imprudence de certains pêcheurs, qui ont pêché des petits poissons durant de nombreuses années, a mis en péril la durabilité des ressources halieutiques. »

Pour pallier à cette incertitude, il croit que les jeunes gens peuvent apprendre la pisciculture. La pisciculture a été introduite dans trois sites océaniques, autour de l’Île Maurice. Deux plateformes ont été aménagées dans le lagon de Grand Gaube, à environ 500 mètres de la côte. Quatre cages sous-marines sont attachées à chaque plateforme.

Dans les cages, de jeunes poissons se nourrissent de pastilles alimentaires et d’algues marines qui s’accumulent dans le lagon. Cela prend huit mois aux poissons pour atteindre environ 500 grammes. Selon la taille de la cage, chacune produit entre quatre et 25 tonnes de poisson par an.

En février 2012, des pêcheurs locaux se sont plaints que suite à un accord entre l’Union Européenne et l’Île Maurice, il leur était plus difficile de gagner leur vie. Ce traité permet aux bateaux européens d’attraper 5500 tonnes de poisson par année pour une durée de trois ans. Les locaux croient que cet accord a causé une réduction de 50 à 60% de leurs prises.

Nicolas Von Mally est le Ministre de la Pêche pour l’Île Maurice. Il dit que l’aquaculture a été introduite afin d’améliorer les standards de vie de quelques 2200 pêcheurs traditionnels qui trouvaient qu’il leur était difficile de survivre à cause de la diminution des stocks de poissons.

M. Von Mally explique: « La demande pour les fruits de mer est en augmentation et accroît donc la pression sur les ressources marines de l’Île Maurice. »

Mais tout le monde ne se satisfait pas de cette solution. Certains pêcheurs ont observé que de nombreux prédateurs, y compris des requins, rôdent autour des cages flottantes, attirés par le grand nombre de poissons qui s’y trouvent.

La pisciculture peut aussi être nuisible pour l’environnement. Vassen Kauppaymuthoo est un ingénieur environnementaliste. Il explique: « S’il y a trop de poissons dans des espaces restreints, cela entraîne une concentration d’urines de poissons. Leur [alimentation] contient des agents antimicrobiens et des antibiotiques. Cela peut nuire à l’écosystème marin. »

Judex Rampaul est le directeur du Syndicat Des Pêcheurs. Il croit que la pisciculture est similaire aux fermes industrielles de volaille.

M. Rampaul préfèrerait que le lagon ne soit pas utilisé pour la pisciculture. Il dit: « Il s’agit aussi d’aider à protéger le lagon, afin de laisser la mer respirer. »