Côte d’Ivoire : De grands chocolatiers contribuent à la déforestation en achetant du cacao provenant d’aires protégées (Jeune Afrique, RFI et The Guardian)

| octobre 2, 2017

Téléchargez cette nouvelle

Les signes de déforestation sont faciles à repérer. Salam Sawadougou travaille sa terre de quatre hectares, dans la forêt classée de Mont-Tia où toute plantation est interdite. Là, les immenses souches grises de vieux arbres constituent tout ce qui reste de la forêt.
 
Monsieur Sawadougou déclare : « Je l’ai brûlée, peu à peu, » expliquant que son cacao avait besoin de plein soleil pour pousser. Beaucoup d’agriculteurs croient qu’un sol récemment déboisé produit les plus gros haricots, ce qui fait qu’ils abattent les arbres un à un, et plantent plus de cacaoyers au fur et à mesure.
 
Au cours des dernières années, le taux annuel de déforestation à l’intérieur des zones protégées a doublé, et en Côte d’Ivoire et au Ghana, le déboisement des zones protégées progresse deux fois plus vite que dans les zones non protégées.
 
Les intermédiaires, surnommés pisteurs, achètent les fèves de cacao séchées et les acheminent vers le port de San Pedro, au sud-ouest de la Côte d’Ivoire, ou à Abidjan, la capitale économique du pays. Là-bas, des négociants internationaux comme Olam, Cargill et Barry Callebaut achètent les fèves et les expédient à travers le monde pour qu’elles soient transformées en chocolat.
 
Mighty Earth est une ONG américaine de défense de l’environnement. En septembre dernier, l’organisation a publié un rapport mettant en lumière l’ampleur de la déforestation résultant de la production cacaoyère.
 
Les auteurs du rapport ont interrogé 70 sociétés du secteur du chocolat, dont Mars, Hershey, Ferrero et d’autres poids lourds. Aucune n’a nié avoir acheté du cacao provenant d’aires protégées.  
Le rapport accuse aussi les autorités ivoiriennes d’être parfois complices ou inefficaces. Le rapport de Mighty Earth souligne que les zones protégées renferment parfois des villes entières, où l’on trouve des entrepôts de cacao, des magasins, des écoles et des milliers d’habitants.
 
SODEFOR est la société d’État responsable du développement des forêts. Selon cette autorité, 40 % du cacao ivoirien provient des aires protégées. Des ONG comme Human Rights Watch affirme que SODEFOR évince violemment certains producteurs de cacao des forêts classées où ils vivent, ce qui provoque des tensions et des violations de droits.
 
La Côte d’Ivoire perd ses forêts plus vite que tout autre pays africain. La forêt tropicale occupe actuellement moins de 4 % de la superficie du pays, de 25 % qu’était cette superficie autrefois. Selon Mighty Earth, la hausse de la demande mondiale pour le chocolat signifie que, si rien n’est fait, il n’y aura plus de forêts en Côte d’Ivoire d’ici 2030.
 
Mighty Earth demande également à l’industrie cacaoyère d’assumer sa part de responsabilité pour éviter à la Côte d’Ivoire un désastre écologique.
 
Richard Scobey est le président de la Fondation mondiale du cacao, qui représente les plus grands producteurs de cacao et de chocolat. Selon lui, les entreprises s’impliquent dans la lutte contre la déforestation.
 
Il déclare : « Ce problème est connu depuis des années. Les entreprises ont déjà pris des mesures en investissant dans la traçabilité du cacao, en travaillant sur l’agroforesterie mixte avec des plantations plus respectueuses de l’environnement et en agissant en faveur de la restauration de certaines zones. »
 
Monsieur Scobey affirme que 35 entreprises du secteur du chocolat ont également lancé un nouveau partenariat avec le gouvernement ivoirien pour mettre fin à la déforestation au Ghana et en Côte d’Ivoire. Ce programme sera officiellement présenté en novembre lors de la 23e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
 
Il ajoute que la déforestation a aussi une dimension sociale. Monsieur Scobey explique : « Il faut respecter les droits des centaines de milliers de cultivateurs de cacao et leurs familles qui dépendent de ces forêts…. Une intensification agricole durable est aussi une étape essentielle pour réduire la pression sur les forêts protégées. »
 
Près de 70 % du cacao mondial est produit par deux millions d’agriculteurs, et ce, de la Sierra Leone au Cameroun. Mais la Côte d’Ivoire et le Ghana sont les géants, occupant le premier et le deuxième rang mondial respectivement. C’est chez eux aussi que la déforestation s’accélère le plus.
 
Dans la forêt classée du mont Sassandra, au centre-ouest de la Côte d’Ivoire, les agriculteurs s’enfuient à la vue des visiteurs, conscients que leurs activités sont illégales. Mais ce ne sont pas ces agriculteurs qui gagnent les grands bénéfices du chocolat. Beaucoup vivent dans la pauvreté, sont souvent exploités et mal rémunérés pour leur travail. La plupart ne peuvent même pas se permettre le produit de luxe de base qu’est la barre de chocolat en occident.
 
L’un d’eux déclare : « Ce sont les Blancs qui mangent du chocolat, pas nous. »
 
Le présent article est adapté de plusieurs sources :
« Côte d’Ivoire : du cacao illégal fourni aux grands noms du chocolat » publié par RFI. Pour lire l’article original (en français), cliquez sur : http://www.rfi.fr/afrique/20170913-exclu-rfi-cote-ivoire-cacao-illegal-fourni-grands-noms-chocolat-mighty-earth
 
« Cacao ivoirien : une ONG accuse les grands groupes de favoriser la déforestation » publié par Jeune Afrique. Pour lire l’article original (en français), cliquez sur : http://www.jeuneafrique.com/474040/societe/cacao-ivoirien-une-ong-accuse-les-grands-groupes-de-favoriser-la-deforestation/
 
« Enquête : Les forêts classées de l’Ouest en voie de disparition » publié par Avenue 225. Pour lire l’article original (en français), cliquez sur : http://www.avenue225.com/enquete-les-forets-classees-de-l%E2%80%99ouest-en-voie-de-disparition
 
« Chocolate industry drives rainforest disaster in Ivory Coast » publié par The Guardian. Pour lire l’article original (en anglais), cliquez sur : https://www.theguardian.com/environment/2017/sep/13/chocolate-industry-drives-rainforest-disaster-in-ivory-coast
 
Photo by James Roberts / Panoramio