Cameroun : La solidarité paysanne aide à réduire les coûts de la main d’œuvre et à augmenter les gains (par Anne Mireille Nzouankeu pour Agro Radio Hebdo au Cameroun)

| octobre 29, 2012

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Il est 6h du matin et le soleil se lève à peine.  Jean Simon Awana Otabela  et  11 autres agriculteurs se rendent dans le champ de Taddhée Tsanga à Montatélé, une localité située à une heure de route de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Ils viennent aider M. Tsanga à récolter son manioc.

Les 13 paysans ont constitué la coopérative des agriculteurs de Monatélé. Le temps presse pour les paysans qui ont trop à faire ce jour. M. Otabela mobilise ses collègues en ces termes : « Nous devons nous dépêcher car tout doit être fini au plus tard à 8h30 avant qu’il ne commence à faire chaud ».

Sans plus tarder, M. Otabela le président de la coopérative repartit les taches et chacun se met à l’œuvre. Les uns déterrent les tubercules tandis que les autres les entassent dans des brouettes. Le travail est rythmé par des chants. Au bout d’une heure et demie, ils ont tout récolté.

M.  Otabela  explique la répartition des tâches au sein du groupe, en fonction de ce que chaque agriculteur produit : « Pendant une ou deux journées, tout le monde travaille dans le champ d’une personne. Le jour d’après, c’est au tour du champ d’une autre personne ainsi de suite jusqu’à la fin ». Il précise que la création de leur coopérative visait à mettre en commun les forces des membres afin de permettre à chacun de gagner du temps, de produire plus et à moindre coût.

M. Tsanga exprime sa satisfaction. Il dit : « Si je n’avais pas été membre […] j’aurais produit sur une plus petite parcelle de terre cette saison car je n’avais pas assez d’argent pour payer du personnel saisonnier ». Il explique que la main-d’œuvre coûte cher. Un employé saisonnier est payé à 1000 FCFA par jour, environ deux dollars américain. Il ajoute : « En plus, il faut être derrière ces gens pour qu’ils travaillent vraiment. Sinon, ils  vont lentement pour augmenter le nombre de jours de travail».

Juste le temps de se désaltérer et de se reposer cinq minutes, le groupe se dirige à environ 600m de là, les uns derrière les autres,  pour procéder à  la récolte du manioc dans le champ de Joseph Essimi. Son champ de manioc est le prochain. L’agriculteur exprime également sa satisfaction. Il dit : « Cette solidarité permet à chacun de nous de réaliser des économies d’au moins 100.000 FCFA par saison culturale [environ 200 dollars américains] grâce à la réduction du coût de la main d’œuvre. »

Vers 8h15, la récolte dans les deux champs est terminée. Le manioc est chargé dans des sacs en fibres de plastique couramment appelés « filets » au Cameroun. Le filet est l’unité de mesure lors de la vente du manioc.

M. Otabela  passe des coups de fil à des amis pour avoir la tendance des prix sur les marchés. Puis, de commun accord, les paysans fixe le prix minimum de vente du filet de manioc à 10 000 FCFA.  Le prix réel de vente dépendra désormais de la capacité de chaque vendeur à négocier.

Le président du groupe explique : « Nous fixons le prix minimum de vente pour limiter la concurrence déloyale entre nous. Avant que nous ne nous organisions, il nous arrivait de vendre à perte puisque nous ne savions pas quels étaient les prix pratiqués par les autres vendeurs et les acheteurs nous faisaient souvent du chantage. »

Une situation qui ne satisfait pas vraiment les acheteurs. Marie Madeleine Tsanga est commerçante. Elle achète en gros auprès des agriculteurs, puis transporte les denrées pour les revendre directement au marché auprès des revendeuses en détail.  Elle dit : « La négociation est devenue difficile. Comme tous ont le même prix de vente minimum, nous sommes obligés de céder même lorsque notre marge bénéficiaire est réduite».

Peut-être que les vendeuses ne sont pas satisfaites mais les 13 membres de la coopérative sont contents que le travail qu’ils effectuent en commun leur permet d’avoir de bonnes retombées économiques.