Cameroun : Des agricultrices protègent leurs cultures avec un insecticide ‘fait maison’ (Par Anne Mireille Nzouankeu, pour Agro Radio Hebdo au Cameroun)

| août 27, 2012

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Moutourwa, un petit village situé dans le nord du Cameroun, est envahi chaque année par des insectes ravageurs. Ce qui cause d’énormes soucis aux petits producteurs locaux qui ne disposent pas toujours d’argent pour acheter les insecticides chimiques importés. Thérèse Bilama est une productrice locale de gombo et de haricot. Elle témoigne : « Une année, j’ai perdu toute ma production en quatre jours parce que je n’ai eu de l’argent [pour acheter des insecticides] que trois jours après avoir constaté les premières attaques. »

À chaque année, les femmes qui n’avaient pas suffisamment d’argent pour acheter les insecticides chimiques perdaient toutes leur production.  Pour remédier à ce problème, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a formé certaines femmes du village à la fabrication d’un insecticide biologique.  Après sa douloureuse expérience, Thérèse Bilama a maintenant trouvé une solution à moindre coût contre les ravageurs.

Depuis trois ans, elle fabrique elle-même un insecticide biologique. Elle nous en donne la recette : « L’insecticide peut se fabriquer avec le piment, les feuilles de tabac ou les graines de neem. On peut par exemple écraser ou piler deux grosses poignées de piment qu’on met dans 10 litres d’eau. On râpe environ 10 grammes de savon de ménage qu’on incorpore à ce mélange. On tamise et on verse dans le pulvérisateur ». Elle précise  qu’il faut utiliser une petite quantité de savon juste pour rendre le mélange homogène et pour qu’il ne colle pas dans le pulvérisateur. Mme. Bilama dit que le processus diffère légèrement lorsqu’on utilise le tabac ou les feuilles de neem.

Elle explique comment elle utilise l’insecticide : « Je pulvérise une fois par semaine dès l’apparition des premières fleurs. Pour le niébé, je continue deux à trois semaines après la fin de la floraison, jusqu’à ce que les gousses soient sèches. » Mme Bilama explique que lorsque les gousses sont sèches, elles ne peuvent plus être attaquées par les insectes.

Gertrude Kalsoumi est une agricultrice du même village. Elle utilise également, avec beaucoup de satisfaction, cet insecticide naturel. Elle donne volontiers une autre astuce : « On peut également mettre quelques feuilles de neem dans les sacs de niébé pour que les graines ne soient pas attaquées par les pucerons pendant le stockage. »

Mais, certaines agricultrices, comme Awa Kouda, préfèrent utiliser les insecticides chimiques. Elle dit : « J’asperge une fois avant la floraison, une autre fois pendant et une troisième fois après la floraison. Il est vrai que je dépense parfois jusqu’à 50.000 Francs Cfa (environ 95 dollars américains) mais mes récoltes sont protégées et je compense cette dépense après la vente. »

Rodrigue Mbarga est chargé d’études au ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature au Cameroun. Il encourage l’usage de l’insecticide biologique et dit : « En évaluant les avantages et les inconvénients de chaque type de protection, on peut dire que les insecticides biologiques  sont de loin meilleurs que les insecticides chimiques car moins couteux, plus disponibles, peu toxiques et faciles d’utilisation. » Selon M. Mbarga l’insecticide biologique est sans danger pour la consommation et n’affecte ni le goût ni la valeur nutritionnelle de la plante.  Il dit que l’insecticide naturel a une action localisée et surtout a le gros avantage de se dégrader rapidement ce qui est bon pour l’environnement. M. Mbarga explique que l’insecticide chimique pollue le sol et les eaux de ruissèlement. Il a une toxicité même pour les insectes non ciblés c’est-à-dire qu’il tue à la fois les insectes nuisibles à la plante mais aussi ceux qui sont utiles aux plantes, à l’exemple des abeilles.

Awa Kouda pense qu’en utilisant l’insecticide local on obtient à moindre coût le même résultat qu’avec l’insecticide chimique. Pourtant elle dit : « Je n’étais pas là lorsque la FAO formait les femmes. J’ai plutôt bénéficié des conseils des techniciens du ministère de l’Agriculture qui m’ont recommandé ces engrais chimiques. C’est pourquoi je continue de les utiliser. En cas de problème, je sais à qui me plaindre. »

Mais Mme Bilama est heureuse avec son choix. Elle dit : « Depuis que j’utilise l’insecticide local, je suis moins stressée car je n’ai plus besoin d’acheter l’insecticide chimique. Lorsque je ne veux pas acheter les feuilles de tabac au marché, je cueille juste le piment derrière ma maison. »