Burkina: L’orpaillage, le cauchemar des éleveurs (écrit par Nourou-Dhine Salouka pour Agro Radio Hebdo au Burkina Faso)

| juin 13, 2011

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À Nobsin, au centre du Burkina Faso, le paysage est quasi-lunaire. La savane d’épineux d’antan a laissé la place à des monticules de latérite et à des trous. D’une profondeur de 40 mètres et d’un diamètre de 4 mètres, les trous s’étendent sur des dizaines d’hectares, créant de véritables labyrinthes souterrains. L’orpaillage est le principal responsable de la dégradation de l’environnement dans le village et ses environs. Cette méthode traditionnelle d’exploitation consiste à creuser des trous béants à la surface du sol pour en extraire le précieux métal.

Dans cette contrée, la découverte de la moindre pépite d’or est vécue comme une malédiction par les éleveurs tant l’orpaillage leur cause des désagréments. Boukari Diallo, éleveur, témoigne: « À plusieurs reprises, mes bœufs sont tombés dans des trous. Malheureusement, personne ne nous dédommage pour la perte des animaux. »

La plupart des bêtes qui tombent dans les trous y périssent sans que les propriétaires n’arrivent à les sauver. Celles qu’ils parviennent à sortir des trous, perdent entre 50 et 80% de leur valeur marchande. Plusieurs se cassent une jambe ou sont si blessées qu’elles doivent immédiatement être abattues.

Outre la dégradation de l’environnement, les orpailleurs occupent anarchiquement les zones de pâture. Ahmadou Diallo est un autre éleveur, qui vit principalement de l’élevage. « Les orpailleurs creusent des trous sur nos aires de pâture, sans aucune autorisation. Ils ne respectent rien ni personne », s’offusque-t-il.

Les orpailleurs encaissent ces accusations sans chercher à se débiner. Ils sont conscients du tort qu’ils causent aux éleveurs. Tiraogo Fafando pratique l’orpaillage depuis 3 ans. Pour lui, c’est avec impuissance que les orpailleurs assistent à la détresse des éleveurs. « Lorsque nous creusons les trous, les éleveurs nous demandent de les refermer. Mais vue la profondeur des trous, que pouvons nous faire ? », s’interroge le jeune homme.

La réponse à sa question est « rien », comme le confirme son compagnon Amadé Kafando. « Nous ne pouvons pas refermer les trous car, chaque fois, nous abandonnons précipitamment les exploitations pour d’autres sites, lorsque nous apprenons qu’on a trouvé de l’or là-bas. Nous n’allons tout de même pas cesser notre activité simplement parce que les éleveurs se plaignent », dit-il. Néanmoins, Amadé assure mettre des épineux au bord des trous pour dissuader les animaux de s’approcher. Cet avertissement est la seule œuvre de bonne volonté des orpailleurs.

Les éleveurs de Nobsin ne sont pas les seuls à vivre cette situation. Il y deux ans, dans le village voisin de Mankarga, 37 vaches sont mortes après avoir bu de l’eau contaminée par le cyanure utilisé pour laver l’or. Dans leur désarroi, les éleveurs ont alerté la Direction provinciale des ressources animales. Celle-ci avoue également son impuissance.

Il faut dire que l’or tient une place importante dans l’économie du Burkina Faso. Avec la hausse du cours du métal jaune sur le marché international, des investisseurs nationaux et étrangers injectent des milliards de francs dans le secteur. Avec 177 milliards de francs CFA de recettes d’exportation, l’or était la première source de devises en 2009. En 2009, ce secteur employait 300 000 personnes. Dans les faits, l’orpaillage est une pratique illégale. L’État en perd des redevances, mais, il tolère cette pratique.

La détresse des éleveurs n’est pourtant pas prête de s’apaiser. Récemment, de nouveaux gisements ont été découverts, ce qui a aiguisé l’appétit des grandes firmes internationales et des orpailleurs bien sûr! Pour les éleveurs de Nobsin, pire que l’argent, c’est l’or qui ne fait pas toujours le bonheur.