Burkina : Les femmes commencent à obtenir des documents de jouissance pour leurs terres (par Nourou-Dhine Salouka, pour Agro Radio Hebdo)

| juin 11, 2012

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Habibou Ouédraogo est la présidente du groupement de femmes « Nongtaba ». L’agricultrice sexagénaire vit à Rapadama V4, un village du centre du Burkina. Il y a 30 ans, Habibou et une poignée de femmes ont créé ce groupement d’agricultrices. Le groupement compte aujourd’hui plus de 100 membres. Elle raconte : « Nous étions 10 au départ. Nous sommes allées voir les autorités pour demander un champ pour les femmes. Elles nous ont accordé 2 hectares. »

En 2011, Nongtaba – qui signifie « aimons-nous », en langue Mooré, a fait parler de lui en devenant le premier groupement féminin du pays à obtenir une attestation de possession foncière (APF). L’APF n’a pas la même valeur qu’un titre foncier, qui est un droit de propriété. Mais l’APF est un document qui sécurise l’exploitant. Awa Kaboré est la vice-présidente du groupe. Elle explique : « Nous prenons soin de notre APF car c’est un document qui nous met à l’abri contre ceux qui voudraient nous prendre le champ.»

Désormais le groupement peut faire de l’agriculture en toute quiétude, sur une terre que la présidente Habibou Ouédraogo juge « très fertile ». Les femmes y produisent du sorgho, des haricots et des arachides qu’elles vendent sur le marché local. L’argent issu de la vente est placé dans la caisse commune. Il sert à accorder des prêts aux femmes pour leurs petits commerces, en saison sèche. Les recettes enregistrées varient entre 35 000F CFA, pour les mauvaises années, et 100 000F CFA, pour les années d’abondance. Cependant, les femmes se sentent à l’étroit sur leur parcelle. Awa Ouédraogo, est la conseillère municipale du village. Elle est également membre de Nongtaba. Mme Ouédraogo estime qu’ « au regard de notre grand nombre, il nous faudrait au moins 6 hectares ». Pour contourner cette difficulté, les femmes louent des terrains, durant chaque hivernage.

Malgré l’espace insuffisant dont elles disposent, les femmes de Nongtaba sont conscientes d’être des privilégiées. Dans la région, et presque partout au Burkina, la femme est exclue de toute possession foncière. Marie-Rose Sandwidi, une ingénieure spécialiste des questions foncières explique les raisons de la discrimination dont souffrent les femmes : « La terre est une propriété lignagère qui se transmet de père en fils. Les droits de succession de la femme posent problème. » Elle explique que les hommes sont réfractaires à donner des terres aux femmes car ils ont peur que la terre sorte du giron familial en cas de divorce.

L’histoire des femmes de Nongtaba tient à la singularité du village. Rapadama V4 a été construit de toute pièce par l’État, dans les années 1970. La création de Rapadama V4 et de dizaines de villages semblables était une réponse de l’État à la grande famine que le pays connaissait à l’époque. Le gouvernement a installé sur les terres vierges de la vallée de la Volta des milliers de colons affamés. L’attribution des terres a été faite par l’administration publique et non par les autorités coutumières comme partout ailleurs dans le pays. C’est qui a favorisé l’acquisition de la terre par les femmes. Habibou Ouédraogo confirme : « Les femmes ont pris part à toutes les étapes du processus. Avant, c’était impossible qu’une femme évoque des questions liées à la terre. »

À présent, le groupement espère obtenir du financement pour acheter des semences améliorées et des intrants. Les femmes sont convaincues qu’elles peuvent améliorer leur quotidien grâce à l’agriculture.