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Burkina Faso : Pratiquer la permaculture pour préserver la biodiversité

Pendant la saison pluvieuse à Dodougou, un village situé à une trentaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso, à l’ouest du Burkina Faso, Marthe Toé est déjà à l’œuvre sur son exploitation agricole de 40 hectares. Le Centre Lawataan, qui signifie « Dieu est là » en langue locale, est l’endroit où la veuve de 54 ans passe son temps. Elle se dirige vers la pépinière de moringa pour inspecter les jeunes plants. Ils n’aiment pas beaucoup d’eau, déclare-t-elle, alors qu’il a beaucoup plu récemment.

Le moringa n’est qu’une des plantes qu’elle cultive sur son exploitation, divisée en 58 % de savane arborée, 21 % de savane arbustive et 21 % de parc forestier.

En 2015, elle abandonne son emploi de comptable pour créer le centre Lawataan avec l’appui de son défunt mari, après une formation de 18 mois en permaculture à Bobo-Dioulasso et au Ghana. Elle a transformé son exploitation en espace de régénération naturelle assistée en pratiquant la permaculture pour restaurer la biodiversité, prévenir la dégradation de ses terres et accroître sa productivité. Un élément clé de cet effort repose sur le travail qu’elle fait avec le moringa, une plante connue pour sa résistance et sa valeur nutritionnelle. En cultivant le moringa, madame Toé favorise la biodiversité et permet à sa terre de bien se porter pendant longtemps.

Madame Toé explique qu’elle applique les trois piliers fondamentaux de la permaculture qui consiste à prendre soin de la terre, des humains et à partager équitablement les ressources. Son action a permis de repeupler son domaine avec une faune et une flore diversifiées. À ses dires, le site compte au moins 24 familles de plantes, 54 espèces fauniques et 59 espèces ligneuses, dont beaucoup avaient disparu. Le site est également d’un intérêt scientifique pour les écoles professionnelles et la recherche.

Pour restaurer le sol, madame Toé utilise le paillage et du compost pour améliorer la fertilité du sol. Elle construit également des cordons pierreux et plante des haies d’Andropogon afin de prévenir l’érosion et préserver l’humidité. En outre, elle recueille l’eau de pluie dans des bassins de stockage, s’assurant ainsi que ses plantes et ses animaux aient de l’eau en saison sèche. Ces pratiques, combinées, contribuent à un sol en meilleure santé et un écosystème plus résilient.

Dans son parc agroforestier, elle plante des arbres, introduit des espèces réputées pour leur valeur économique, tels que le baobab et le moringa, ainsi que ceux qui rendent le sol plus fertile, comme le gliricidia. Certains de ces arbres ont également une valeur médicinale, y compris le curcuma, le Securidaca longipedunculata, le Fagara zanthoxyloïdes, le Trichilia emetica. Ces bosquets servent d’habitats pour la faune telle que les oiseaux, les insectes et les petits mammifères qui soutiennent la biodiversité de la région.

Ces pratiques lui ont permis transformer la zone. Elle déclare : « Il y a quelques années, ce domaine était une colline pleine de cailloux. Aujourd’hui, c’est un sanctuaire de biodiversité. »

Madame Toé produit diverses spéculations de céréales et de légumes de manière biologique. Elle fabrique du compost solide et liquide, enrichis avec les feuilles du gliricidia sépium pour la croissance de ses cultures et pratique l’apiculture pour le miel et la pollinisation des plantes. Madame Toé fait également de la transformation alimentaire et cosmétique à base des produits issus du centre. Elle déclare : « Nous avons de l’huile, des produits cosmétiques à base de Moringa, de la poudre de feuilles de baobab… » Madame Toé estime que son initiative a créé des emplois pour les populations. Elle note que son centre emploie 15 personnes permanentes, dont huit femmes et plus de 200 contractuels.

Germain Simboro est le superviseur du centre et il se rappelle qu’à ses débuts, il hésitait à travailler là-bas après l’obtention de son baccalauréat. Il déclare : « Sincèrement je ne regrette pas. Je gagne plus que le SMIG et mon salaire est régulier. » 

Cédric Kambiré est le directeur régional de l’Institut de recherche en science appliquée et technologique, ou IRSAT, de Bobo-Dioulasso. Il affirme que la permaculture permet à un agriculteur ou une agricultrice de produire pour ses besoins alimentaires tout en protégeant la biodiversité. Monsieur Kambiré explique que le concept est né dans les années 70 pour trouver des solutions résilientes de production face aux changements climatiques.

Monsieur Kambiré explique que les bonnes pratiques permacoles consistent à laisser la nature se reconstituer d’elle-même avec la possibilité de l’accompagner par la mise en place de bosquets et de haies comme le fait madame Toé. Il ajoute que les produits chimiques comme les pesticides ou les insecticides doivent être bannis sur un site permacole. Il déclare : « Dans un centre permacole, rien ne se perd tout se transforme. »

Madame Toé se dit satisfaite des acquis du centre Lawataan après neuf ans de travail acharné. Elle envisage d’explorer le domaine de la finance verte. Madame Toé conclut : « En combinant la permaculture avec des solutions de finance verte, nous pourrions amplifier notre impact environnemental et créer de nouvelles opportunités économiques pour les communautés locales. »

Photo : Mme Toé dans les champs, Burkina Faso, 2024

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