Burkina Faso: Les agriculteurs disent qu’ils ne veulent pas de « pétrole vert » sans nourriture ( écrit par Nourou-Dhine Salouka/Jade Productions pour Agro Radio Hebdo à Ouagadougou, au Burkina Faso)

| août 25, 2008

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Après avoir été sensibilisés par des firmes productrices de biocarburant et par un chef coutumier, les producteurs burkinabé entament cette saison la culture du jatropha. Cette plante sert à la production d’agrocarburants. Mais si les paysans consentent à produire du jatropha, ils donnent quand même la priorité à la production céréalière. Ils préconisent en outre une transformation locale de la production, pas son exportation, comme c’est le cas avec le coton.

Dans la province du Nayala, au nord-ouest du Burkina Faso, la production du jatropha est bien entamée: 200 hectares cette année et une prévision de 10 000 hectares d’ici 2010. Ce choix répond à la nécessité pour les producteurs d’être au cœur des changements dans l’agriculture.

Pour Aimé Charles Ki, président de la Fédération des Groupements de Producteurs du Nayala (FGPN), les agrocarburants sont une opportunité à ne pas manquer. Afin de s’engager de la meilleure manière dans la culture de cette nouvelle plante, sa fédération a organisé en février 2008 une visite d’étude au Mali. Ce pays expérimente la production du jatropha depuis une quinzaine d’années. De retour de ce voyage, les producteurs ont décidé de reproduire l’expérience du Mali, où la production est transformée sur place et utilisée pour les besoins locaux, notamment pour faire tourner des moulins et alimenter les moteurs de tracteurs.

Le jatropha suscite beaucoup d’espoir dans la région de Nayala et dans le reste du Burkina. Pour Marie Thérèse Toé, présidente de l’association féminine de lutte contre la pauvreté Claire Amitié, le jatopha est une importante source supplémentaire de revenus. Quant à Léon Moussiané, producteur de Toma, voit encore plus grand. Il est convaincu que les agrocarburants constituent le moyen le plus rapide pour développer les campagnes.

Cependant, le développement ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Les paysans refusent de passer à la production industrielle comme les y poussent les firmes occidentales. Selon Charles Ki, la priorité des producteurs est d’assurer la sécurité alimentaire, donc la production céréalière. Au lieu de consacrer des plantations entières à cette plante, les paysans burkinabé l’utilisent comme haie vive pour délimiter leurs champs. Le jatropha est aussi planté à l’intérieur des champs pour séparer différentes variétés de plantes.

Les producteurs burkinabés de jatropha refusent aussi l’exportation des amandes pour qu’elles soient transformées en biocarburant. Ils veulent éviter les mésaventures vécues avec le coton. Ils disent en effet que l’exportation de matière brute n’engendre pas le développement local. De plus, les producteurs n’auront aucune influence sur le prix du kilogramme.

Pour aboutir à la transformation locale, les producteurs ont un schéma simple: mettre sur pied une usine locale. Sa gestion relèverait d’une société anonyme appartenant à trois groupes d’actionnaires. Le premier groupe, celui des producteurs, fournirait la matière première. Le deuxième apporterait les capitaux et le troisième la technologie. Cette entreprise inédite, dont rêve Charles Aimé Ki, devrait être la structure centrale de la gestion de la filière jatropha. En attendant la création de cette société, les producteurs expérimentent cette année la culture du jatropha. Mais, préviennent-ils, la filière ne sera viable qu’une fois leur schéma mis en place dans leur communauté.
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