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Burkina Faso : Des femmes occupent des fonctions au sein de la chefferie traditionnelle

Ce samedi matin à Boussouma, dans le centre-nord du Burkina Faso à 20 kilomètres de Kaya, la Wem-Naba (cheffe de la réconciliation) est assise à terre sous le hangar de la cour royale. (Au Burkina Faso, on n’appelle pas les chefs par leurs noms, mais simplement par leurs titres.) Elle est âgée d’une soixantaine d’années et règne depuis treize ans à la cour royale de Boussouma. Elle porte un foulard tout blanc bien noué sur sa tête. Elle place une calebasse qu’elle tient quand elle marche et qu’elle dépose devant elle quand elle est assise. Le foulard et la calebasse sont les deux symboles de son pouvoir.

Elle est peu bavarde. Les chefs traditionnels ne parlent pas trop d’eux. Elle nous confie tout de même : « J’interviens dans la gestion du pouvoir traditionnel, j’intercède pour gérer les conflits et toutes autres difficultés auxquelles le royaume est confronté, mes décisions s’imposent aux hommes comme aux femmes. J’interviens pour la grâce royale, c’est essentiellement pour ça même que j’ai été installée ici. »

Au Burkina Faso la chefferie traditionnelle a perdu son rôle administratif du territoire. Cependant, elle est garante des us et coutumes.

De nos jours, les leaders traditionnels sont interpellés et sollicités pour gérer des conflits sociaux et même des crises au sommet de l’État moderne. Ces crises sociales sont souvent liées à la gestion du foncier, la succession ou à un différend entre deux personnes.

La WEMBA est toute une institution au sein du pouvoir traditionnel chez les Mossis, le plus grand groupe ethnique au Burkina Faso. La Wem-Naba de Boussouma règne sur un territoire bien délimité où elle exerce son pouvoir.

L’histoire de Wem-Naba est celle d’une sœur ainée d’un roi mossi qui avait quitté son mari et était revenue dans la cour royale. Le roi lui trouva un territoire à gouverner. Ce territoire s’appelait Wemtenga. Il est devenu aujourd’hui un quartier de la ville de Ouagadougou. La première cheffe fut la reine Poko. Elle avait sa cour royale, composée d’hommes dignitaires. Elle était une femme très influente du pouvoir du Mogho Naaba, le chef des Mossi. La Wemtenga-Naaba, ou la cheffe de Wemtenga, était la seule à pouvoir obtenir la grâce royale après une sentence du roi. À Ouagadougou, la cheffe Wemba a été remplacée par un homme. Mais, dans le royaume de Boussouma, au centre-nord du Burkina Faso, et à Koudougou dans le centre-ouest du pays les femmes leaders sont toujours présentes, portant un bonnet blanc à côté du roi.

Dans la ville de Koudougou dans le centre-ouest du Burkina, Naba Ziiri règne depuis 2007 comme dignitaire à côté de Naba Saaga 1er d’Issouka, un village englouti par la ville. Elle est même assistée par quatre ministres qui l’aident à gérer son pouvoir. Elle déclare : « Je suis respectée par les hommes et les femmes, je donne des ordres qui sont exécutés. »

Cette place de la femme au sein du pouvoir traditionnel permet à la femme d’être présente dans la sphère de décision. Esther Bamoumi est la coordinatrice des organisations féminines du Sanguié, une des provinces du centre-ouest. Elle déclare : « L’exemple de Naba Ziiri doit faire [école]. Ça donne le courage aux autres femmes et montre que la femme peut aussi bien faire que les hommes. »

Il est huit heures à la cour royale du Mogho Naaba. C’est à ce moment-là qu’il reçoit ses invités et assure ses audiences. Quelques dignitaires du pouvoir traditionnel sont là.

Deux jeunes garçons déguisés en femmes, habillés en pagne blanc noué à la taille, sortent de la concession et vont sous le hall. C’est là où se trouve le trône du roi. Ces garçons occupent en fait la place de la femme dans la cour. La femme, elle-même reste invisible dans la cour royale. Ici, la femme ne participe pas directement à la gestion du pouvoir.

Le Professeur Albert Ouédraogo de l’université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou est spécialiste de la littérature orale africaine. Il explique : « La femme est au cœur de la chefferie moaga même si elle semble effacée, même si elle n’est pas parmi ceux qui portent le bonnet. »

En effet, la légende raconte qu’une femme fut à l’origine de la chefferie chez les Mossis. C’est l’histoire de la princesse Yennega, fille du roi Nedogo de Gambaaga, une localité située dans l’actuel Ghana. Lasse d’attendre qu’on la donne en mariage, Yennega a fugué pour se retrouver dans le centre-est du Burkina, actuelle ville de Tenkodogo. Elle y rencontra un chasseur avec qui elle eut un fils nommé Ouédraogo. Il a été le fondateur du royaume mossi. La chefferie mossi vient donc de la lignée maternelle.

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.

Photo : La WEM-NABA, ou chef de la réconciliation, assis à terre sous le hangar de la cour royale, 2021.