Burkina Faso : Combat des femmes pour avoir accès aux terres reçues en héritage

| avril 26, 2021

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Nouvelle en bref

Djenéba Sanou est née à Bobo-Dioulasso dans une famille de quatre enfants, dont deux garçons et deux filles. Cependant, à la mort de leurs parents, sa sœur et elle se sont vu refuser leur part de la terre familiale. C’est le sort de plusieurs femmes au Burkina Faso. Bien que la loi stipule qu’un enfant ne doit pas être privé de son héritage à cause de son sexe ou pour des raisons de légitimité, les contraintes socioculturelles sont nombreuses. Benjamine Kaboré née Tapsoba est la responsable de la Clinique juridique des femmes juristes de Bobo-Dioulasso qui aide les femmes à contester la discrimination en matière d’héritage. La clinique a reçu 22 plaintes en 2020. Madame Kaboré affirme que les enfants peuvent contester le partage des biens et que le litige trouve parfois une solution à l’amiable.

Djenéba Sanou est née à Bobo-Dioulasso d’une fratrie de quatre enfants, dont deux garçons et deux filles. Cependant, au décès de leurs parents, sa sœur et elle n’ont pas eu droit à leur part de la terre familiale, un sort que partagent plusieurs femmes.

Madame Sanou, écœurée, déclare : « Je suis même l’aînée de la famille, mais je constate que cela (ma voix) ne compte pas. J’ai trouvé que ce n’est pas normal. »

Elle a contacté ses oncles pour qu’il y ait un partage plus équitable. Certains membres de la famille lui donnèrent raison, et d’autres non.

En novembre 1989, le Burkina Faso a ratifié la loi relative à l’élimination de toutes formes de discriminations basées sur le sexe dans la dévolution successorale légale. Le Code des personnes et de la famille à son Article 733 stipule que les filles et les garçons peuvent hériter sans discriminations de sexe ou d’origine de la filiation. Mais il se trouve que dans la réalité, les pesanteurs socioculturelles font obstacle à l’application de cette loi.

Néné Ouédraogo est infirmière à l’infirmerie du camp militaire Ouezzin Coulibaly. Elle a été témoin d’un cas où une jeune femme a été exclue du partage d’un héritage. Madame Ouédraogo pense que ce type d’exclusions doit être sévèrement puni au Burkina Faso du fait de leurs conséquences néfastes. Elle renchérit : « À cause des exclusions dans les familles, certaines femmes violentées dans leur foyer sont condamnées au martyr parce que n’ayant nulle part où aller. »

Benjamine Kaboré née Tapsoba est la responsable de la Clinique juridique des femmes juristes de Bobo-Dioulasso. C’est une structure associative créée depuis 1993, dont l’objectif est la promotion et la défense des droits des femmes et des jeunes filles. Cette association offre des prestations, notamment l’information et l’appui-conseil aux femmes. Madame Kaboré déplore la récurrence du phénomène de l’exclusion des femmes à la succession à Bobo-Dioulasso. Elle a reçu 22 plaintes de successions en 2020. Parmi ces plaintes, 10 sont des cas d’exclusion d’orphelines à l’héritage familial.

Elle pense qu’il s’agit juste d’une petite partie du nombre total d’exclusions. Elle explique : « En effet, les plaignantes sont pour la plupart des filles instruites alors que la majorité des femmes sont analphabètes. Imaginez un peu donc le nombre d’orphelines spoliées de leurs héritages, mais qui gardent le silence, soit par ignorance de la loi, soit à cause du poids de la tradition qui fait de l’héritage un tabou pour la junte féminine. »

Certains conservateurs radicaux n’admettent pas que la fille puisse prétendre à l’héritage surtout quand il s’agit de la terre. Sogossin Sanou, cultivateur à Bobo-Dioulasso déclare : « La fille n’a pas à prétendre à un héritage de son père. Nous sommes nés trouvé ça comme cela, et nous respectons l’intelligence de nos ancêtres. »

À côté des coutumes, il y a la loi musulmane qui présente des exclusions dans certaines de ses dispositions. En effet, elle accorde aux filles seulement la moitié de la part dévolue au garçon. Cette loi inspirée du coran n’est pas légalement reconnue par le Burkina Faso. Celle en vigueur est la loi nationale, en vigueur depuis novembre 1989 qui stipule que tous les enfants ont les mêmes droits, filles ou garçons, qu’ils/elles soient des enfants considérés légitimes ou non.

Madame Kaboré explique que, selon cette loi : « Si un enfant conteste le partage de la succession, il peut demander le partage par voie judiciaire par la liquidation de la succession. Les justiciables doivent comprendre que la justice n’a pas la seule option. Pour les contentieux, elle procède généralement par la voie à l’amiable. »

La présente nouvelle a été produite grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.

Photo : Rehena Juma dans ses champs du village de Valeska, près d’Arusha, en Tanzanie, le 7 octobre 2013. Crédit : Frederic Courbet