Afrique du Sud: Les petits agriculteurs défendent les systèmes de semences traditionnelles (IPS)

| avril 30, 2012

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Selinah Mncwango ouvre un grand sac en plastique et en sort plusieurs petit sachets. Chacun contient un type différent de semences : sorgho, haricot, courge et maïs. Les semences sont sa fierté, sa richesse, et le « pilier de ma famille », affirme l’agricultrice du KwaZulu-Natal, une région de l’est de l’Afrique du Sud.

Âgée de soixante-cinq ans, Mme Mncwango vient d’une famille de petits agriculteurs du village d’Ingwawuma. Les cultures qu’elle fait pousser aujourd’hui proviennent de semences qui ont été transmises de génération en génération. D’autres semences proviennent d’échanges avec les agriculteurs de son voisinage. Elle dit : « Mes semences sont très importantes pour moi. J’espère que je ne verrai jamais le jour où je devrai acheter des semences dans un magasin. » Ses cinq enfants et huit petits-enfants dépendent en grande partie de ses récoltes.

Mme Mncwango est parfaitement consciente que la conservation, le stockage et l’échange de semences favorisent la diversité des cultures, sont plus économiques, et offrent aux petits exploitants un filet de sécurité en cas de mauvaises récoltes. Mais elle estime que les politiques de son gouvernement conduiront à la fin des méthodes traditionnelles d’agriculture et de conservation de semences. Elle explique : « Le gouvernement ne cesse de nous imposer des semences. Nous préférerions avoir un appui en termes de matériel agricole et un meilleur accès aux marchés. »

Les agriculteurs comme elles disent au gouvernement qu’ils ne veulent pas les semences qu’on leur donne. Mais elle ajoute : «… ils n’écoutent tout simplement pas. »

Rachel Wynberg est analyste des politiques à l’Unité d’évaluation environnementale de l’Université du Cap, en Afrique du Sud. Elle dit: « Le secteur est dominé par les entreprises de semences commerciales et industrielles faisant de la grande production agricole. » Elle estime que les petits agriculteurs ont été systématiquement chassés du système par ceux qui placent le profit avant la sécurité alimentaire et la biodiversité. Elle ajoute : « Il y a une mauvaise compréhension des droits des petits agriculteurs. Les pratiques agricoles traditionnelles ont donc été érodées au fil des décennies. »

En 2006, l’Organisation des Nations Unies a élaboré un traité international pour protéger les connaissances autochtones des agriculteurs, les récompenser pour leur contribution au maintien de la diversité des cultures, assurer leur participation à la prise de décisions concernant les ressources génétiques, et garantir leur droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre les semences. Cependant, l’Afrique du Sud et de nombreux autres États africains membres de l’ONU n’ont pas signé le traité.

Rachel Wynberg poursuit : « Le cadre politique de l’Afrique du Sud sur les droits des agriculteurs n’est pas clair. Les programmes commerciaux qui sont promus contredisent et sapent les pratiques agricoles traditionnelles. » Selon Wynberg, le soutien du gouvernement aux petits agriculteurs manque de moyens financiers, manque de ressources humaines et ignore souvent les besoins des agriculteurs.

Les petits agriculteurs sont d’accord avec ça. Mme Mncwango est consternée par que le fait que le gouvernement sud-africain veuille les écarter. Elle s’indigne : « Le Ministère de l’Agriculture vient régulièrement donner des ateliers. Il distribue des semences GM et hybrides et nous dit de jeter nos semences traditionnelles. »

Selon Mncwango, les agriculteurs se rendent souvent compte trop tard que les semences génétiquement modifiées ne peuvent pas être sauvegardés pour la saison suivante, et qu’elles contaminent les semences traditionnelles. Les agriculteurs ont dû apprendre à leurs dépends que les semences hybrides sont de qualité inférieure. Elle dit : « Elles ne se conservent pas bien, pourrissent facilement et ont une moindre valeur nutritionnelle. »

Le département de l’Agriculture d’Afrique du Sud nie ces accusations. Julian Jaftha est directeur du département des ressources génétiques. Il dit : « Le remplacement de semences traditionnelles par des variétés commerciales n’est pas une politique officielle du gouvernement. » Il dit que le Ministère de l’Agriculture prend en charge les méthodes agricoles traditionnelles et commerciales.

M. Jaftha reconnaît cependant que la politique nationale n’a pas toujours été mise en œuvre correctement. Il dit: « Malheureusement, il arrive qu’au niveau provincial les agriculteurs n’aient pas le choix. Nous savons qu’il y a encore beaucoup de travail à entreprendre. »