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3. Rwanda: Ne jetez pas vos déchets! Les agriculteurs utilisent l’urine humaine comme fertilisant (Syfia Grands Lacs)

Eugene Habiyaremye était l’un des agriculteurs les plus pauvres du village de Shyogwe, à Muhanga, dans le sud du Rwanda. Mais depuis qu’il a commencé à utiliser un mélange d’urines humaines et de bouse de vache sur ses tomates, il est devenu le cultivateur de tomates le plus performant. « J’ai commencé en 2004, après avoir entendu à la radio que les urines diluées pouvaient constituer un engrais extraordinaire. »

M. Habiyeremye explique comment il fait. « Vois-tu ces grandes calebasses? Je mets les urines de vaches dans celle-ci et celles des humains dans l’autre. Je les couvre pendant deux semaines puis j’en verse une certaine quantité dans cette citerne, en fonction de l’eau qu’elle contient. » Ce processus lui permet de diluer l’urine avec la bonne quantité d’eau. Il filtre ce mélange. Ensuite, il asperge ses tomates avec le mélange, à l’aide de petits tuyaux d’irrigation.

Émile Mbaraga est technicien agronome. Il explique que « L’urée présente dans l’urine contient 60 à 80% d’azote qui, si utilisé non dilué, brûle les racines de nombreuses espèces. » Il dit qu’à un litre d’urine il faut ajouter quatre litres d’eau pour arroser des légumes. Pour une bananeraie, pour un litre d’urine, il faut 1 litre d’eau. Pour le maïs, il faut un litre d’urine pour 2 litres d’eau. Tout cela pendant la saison sèche. M. Mbaraga dit que durant la saison des pluies, il est possible de mettre moins d’eau que d’urine. Cela est dû au fait que « les eaux de pluie favorisent la dilution des urines qui fertilisent la plante. »

À Rurama, dans la province de l’Est, les agriculteurs utilisent cet engrais à base d’urine afin de faciliter le redémarrage de leur culture de bananes. Sylvie Uzamukunda est une animatrice agricole, formée par une ONG locale. Elle dit : « Non seulement les bananeraies étaient vieilles mais, cela combiné avec le manque d’engrais et d’eau dans la région, on allait vers leur probable disparition. » Les agriculteurs à Rurama ont été formé sur comment utiliser l’urine et ont visité d’autres communautés qui ont utilisé de l’urine dans leurs champs. Mme Uzamukunda explique « Nous récoltons les urines dans les petits seaux puis les mettons dans de petits jerrycans et couvrons la surface de cendres pour empêcher la mauvaise odeur et la présence des mouches puis les déposons dans un coin sûr. » Ils ont ainsi sauvé leurs bananeraies. « Nous avons exigé des membres de nos coopératives d’imiter ceux qui utilisent les urines des vaches voire les humaines », témoigne Mme Uwanyirigira.

Eugène Habiyaremye a inspiré son voisin Faustin Uwamnyirigira. « Je suis un soudeur et un maçon, » raconte M. Habiyaremye. « Mais, depuis je me suis intéressé aux tomates. Je cultive des tomates dans cette parcelle. Je ne manque jamais d’argent dans ma poche actuellement. Ma famille et mes voisins se nourrissent aussi de ses tomates. »

Eugène Habiyaremye vend ses tomates à un supermarché à Kigali. Il montre du doigt l’autre côté de la montagne, où il fait poussé des ananas, et explique : « Ces ananas me donnent beaucoup d’argent. » Il parvient ainsi a prendre en charge sa famille de 6 personnes et payer les frais de scolarité de ses deux enfants.

Emile Mbaraga fait remarquer que les Rwandais ont généralement honte d’utiliser des déchets organiques d’origine humaine alors que ceux des vaches sont utilisés sans problème. « Il y a du chemin à faire pour changer les cette mentalité qui méprise ces déchets alors qu’ils sont disponibles et peuvent aider, par exemple, dans l’entretien des jardins de cuisine. »