Nelly Bassily | décembre 17, 2007
Alors que le coût des combustibles fossiles et les inquiétudes quant aux changements climatiques augmentent, la demande pour les biocarburants – ou carburants fabriqués à partir de produits végétaux et autres biomasse – ne cesse d’augmenter aussi. Les gouvernements et les sociétés de nombreux pays africains investissent dans des machines pour le traitement en combustible des cultures telles que le maïs, le sorgho, la canne à sucre et le jatropha, dans l’espoir de générer de meilleurs moyens de subsistance et des profits. Mais de sérieuses inquiétudes ont été soulevées quant à la production de biocarburants, en particulier qu’elle pourrait mener à des pénuries alimentaires, par le détournement des terres agricoles de la production alimentaire vers la fabrication de carburants.
Le point crucial de cette question a été soulignée récemment en Afrique du Sud. Citant des problèmes de sécurité alimentaire, le gouvernement sud-africain a annoncé qu’il n’autoriserait pas que le maïs soit utilisé pour produire des biocarburants. Quelques jours plus tard, le gouvernement est revenu sur sa position suite à des pressions excersées par les producteurs de maïs.
Du point de vue des agriculteurs, la transformation des biocarburants présente un nouveau marché pour leurs cultures. En Afrique du Sud, l’utilisation du maïs pour les biocarburants est considéré comme un plan de secours pour des agriculteurs qui ont du mal à faire des profits car leurs récoltes excédentaires ont bassé les prix du maïs depuis quelques années. Le gouvernement indique maintenant que, tant que les agriculteurs peuvent répondre à la demande alimentaire intérieure pour le maïs, les cultures excédentaires peuvent être vendus pour la transformation en biocarburants.
Il n’est cependant pas clair si l’agriculteur moyen bénéficiera de la production de biocombustible, ou si seules les sociétés ou individus avec de grandes plantations pourront en profiter. Une initiative au Mozambique qui transforme la chair de noix de coco en biodiesel a démontré comment il peut être difficile pour les petits agriculteurs de fournir une vaste usine de transformation de carburant.
Une centrale équipée pour traiter jusqu’à 5000 litres de biodiesel par heure a été ouverte à proximité de la capitale, Maputo, en août dernier. Mais, l’usine reste inactive parce que les agriculteurs locaux ne peuvent pas fournir suffisamment de chair de noix de coco de qualité. Comme l’explique Anna Lerner, une consultante avec la South African Development Community’s Programme de valorisation de la biomasse, les petits agriculteurs n’ont souvent pas les infrastructures nécessaires pour récolter et préserver correctement leurs cultures afin de les transformer en biocarburants.
De nombreux partis intéressés sont inquiets que les petits agriculteurs, dans l’impossibilité de participer à ce nouvel engouement pour les biocarburants, peuvent effectivement être forcés de quitter les terres les plus fertiles.
Mais, il y a aussi de grands espoirs pour le biocarburant fait à partir de graines d’une plante appelée Jatropha. Le Jatropha a été identifiée comme l’une des meilleures plantes de production de biocombustibles et il peut pousser sur des terres impropres à la plupart des cultures vivrières. Un projet pilote dans les provinces de l’est du Kenya teste le potentiel du Jatropha pour aider les agriculteurs à générer des revenus sur des terres semi-arides. Quelques 950 agriculteurs apprendront à cultiver le Jatropha et le transformer dans le cadre de ce projet.
Pendant ce temps, les analystes regardent les tendances mondiales dans la production de biocarburants. Ils en concluent que la forte augmentation de la demande pour les biocarburants aura nécessairement des répercussions sur les prix des produits alimentaires. Siwa Msangi est chercheur à l’International Food Policy Research Institute. Il croit que la nourriture et le prix du carburant seront étroitement liée à l’avenir, et que, lorsque les prix de l’énergie augmenteront, les prix des produits alimentaires augmenteront aussi. M. Msangi affirme que cette situation nuit à la cause des pauvres qui, en moyenne, consacrent plus de la moitié de leur revenu à la nourriture, mais génèrent peu de la demande de carburant.