1. Sierra Leone: Les habitants peuvent-ils réellement bénéficier des « appropriations de terres? » (Pambazuka news, Addax bioenergy, Courrier International, Sierra Express Media)

| mai 10, 2010

Téléchargez cette nouvelle

Les villages du district de Bombali, en Sierra Leone, ressemblent à d’autres communautés en Afrique. Mais, il y a au moins une chose qui n’est pas la même : des boîtes à suggestions. Ces boîtes ont été placées par une compagnie suisse appelée Addax Bioenergy. La compagnie possède d’une grande plantation de canne à sucre, à Bombali. Les boîtes à suggestions sont vues comme étant un moyen pour les gens du pays de communiquer leurs préoccupations.

Mais les gens des villages savent-ils vraiment quoi faire de ces boîtes à suggestions? Est-ce qu’une villageoise exprimerait vraiment ses préoccupations quant à l’utilisation d’engrais par la compagnie? Ou pour exiger de savoir quand on lui paiera ses frais de location? Une a dit se sentir bafouée par ces boîtes à suggestions. Elle dit que la présence des boîtes n’a aucun sens car la majorité des habitants ne savent ni lire ni écrire.

Au niveau mondial, il y a un grand débat, en ce moment, sur les appropriations de terres à grande échelle. Des entreprises et des gouvernements sont en train de louer ou d’acheter de grandes étendues de terres, en Afrique et dans d’autres parties du monde en développement. Ces opérations sont largement condamnées comme étant des accaparements de terres. Mais certaines organisations de haut niveau telles que la Banque mondiale insistent pour dire que ces transactions foncières peuvent être «gagnantes-gagnantes.» Elles soutiennent qu’elles peuvent bénéficier et aux investisseurs étrangers et aux populations locales.

Addax Bioenergy a respecté les normes de la Banque mondiale lorsque la compagnie s’est installée en Sierra Leone. Elle a tenu des consultations avec les habitants sur une période de deux ans. La compagnie a réservé des terres jugées importantes pour la sécurité alimentaire. Elle a aussi mis en place un plan pour payer les habitants pour la location des terres. Et le point le plus vendeur: Addax Bioenergy a promis des milliers d’emplois pour les populations locales.

Alors, cette transaction foncière est-elle vraiment gagnante-gagnante? Le gouvernement de la Sierra Leone a activement courtisé les investisseurs. Le président a qualifié cette entente de « majeure » et est en train de négocier d’autres ententes.

Les dirigeants locaux ont apporté leur soutien. Ils contribuent activement à «vendre» l’idée aux communautés locales. Certains de ces mêmes dirigeants sont impatients de travailler pour Addax Bioenergy.

Un chef local parle de son métier en tant que conducteur de tracteur pour la compagnie. Il est heureux de pouvoir gagner 200,000 leones par mois (environ 50 dollars américains ou 40 Euros). Lorsqu’on lui a demandé s’il était préoccupé par le bruit et les perturbations pour les communautés, il répond qu’il ne voit que le côté positif de la chose. Par exemple, il dit que les habitants seront en mesure de charger leurs téléphones portables gratuitement sur le site de travail.

Dans un autre village appelé Kolisoko Ralako II, un journaliste a organisé une réunion avec les habitants pour discuter de la transaction foncière. «Nous sommes fatigués des rencontres», a déclaré Ibrahim Bangura. «Maintenant, nous voulons de l’argent!» La compagnie a accepté de payer 12 dollars américains par an par hectare (environ 9 euros) pour la location des terres. Les habitants attendent également de voir s’ils recevront les emplois promis.

Sur un autre plan, les défenseurs des agriculteurs se demandent si les avantages des investissements à grande échelle pourraient vraiment en valoir le coût. Ils soulèvent des préoccupations au sujet de l’utilisation des 100 000 hectares de terres sur lesquelles Addax travaille – une grande partie ayant été traditionnellement utilisée pour l’agriculture. Ils estiment que l’utilisation intensive d’engrais chimiques, de pesticides et de systèmes d’irrigation, polluera l’environnement local. Tout cela pour produire de l’éthanol qui sera exporté vers l’Europe.

«On ne parle presque pas du prix élevé que la Sierra Leone … devra payer pour accueillir ce supposé « investissement agricole », dit un chroniqueur de Sierra Express Media.

Cela prendra des années pour vraiment comprendre les coûts et les avantages réels. En attendant, le gouvernement de la Sierra Leone espère faire des transactions foncières avec trois autres grandes entreprises.