1. Mali: Des familles agricoles perdent leur terre au profit d’une société libyenne (Radio-Canada, IPS)

| mai 3, 2010

Téléchargez cette nouvelle

Antoinette Dembélé a été chassée de son lopin de terre. Son jardin lui permettait de nourrir les trois enfants de sa fille décédée. Mais il a été détruit pour faire place au canal d’irrigation que construit la société libyenne Malibya. Le canal permettrait à la compagnie de cultiver du riz pour l’exportation. « Mon jardin était très important, » se plaint Mme. Dembélé. « Il me rapportait beaucoup. Je ne dépendais de personne pour manger et payer mes impôts.»

Mme. Dembélé n’est pas la seule à être affectée. De grandes appropriations de terres sont en train de se produire dans la commune de Macina dans le centre-sud du Mali, le long des terres fertiles du delta du fleuve Niger. L’Office du Niger, une agence gouvernementale, administre les terres de cette commune.

« ENLEVER » C’est le mot qui a été écrit à la main sur le mur du commerce de Sidiki Sanogo. M. Sanogo est le propriétaire d’un bar, dans la commune de Macina. Sans aucun préavis, les administrateurs de l’Office du Niger avait autorisé la destruction du commerce de Mr. Sanogo, encore une fois pour accommoder le canal d’irrigation de Malibya.

On dénombre 57 familles expropriées de leurs terres agricoles. Ces familles n’ont reçu aucun dédommagement. Des villages entiers vivaient sur les 100,000 hectares que le gouvernement malien a loués aux Libyens pour une période de 50 ans. Malibya n’a rien versé au gouvernement pour l’utilisation des terres. Tout ce que la société doit faire c’est payer une taxe pour l’utilisation de l’eau.

Auguste Drago est le directeur général pour l’Office du Niger. Il promet que les compensations seront bientôt offertes aux familles déplacées sans pour autant dire quand ni comment elles seront compensées. « On peut les compenser en nature. On peut leur construire des bâtiments, des maisons, et on peut leur construire des vergers. Dans le cas contraire, on peut leur donner de l’argent en liquide » dit M. Drago.

Le principal reproche que l’on fait aux autorités de l’Office du Niger, c’est le manque d’information et de transparence. L’entente entre la société libyenne et le gouvernement n’a jamais été rendue publique.

Ibrahima Coulibaly est le président de la Coordination nationale des organisations paysannes au Mali. M. Coulibaly a parcouru l’entente et il est inquiet. Il croit que ce document peut être une catastrophe totale. Il craint que le Mali ne devienne un empire libyen à l’intérieur des terres administrées par l’Office du Niger.

Afatham Ag Alassane est le ministre de l’agriculture du Mali. Il ne s’inquiète n’y pour l’eau utillisé par Malibya, ni pour la destination finale des 200,000 tonnes de riz hybrides que Malibya prévoit produire à chaque année. M. Alassane est persuadé que la Libye investit au Mali dans le cadre d’un partenariat mutuellement avantageux. Toutefois, l’entente ne définie pas clairement ce qui se produira avec le riz cultivé. Il dit : « Vous savez, dans les accords, il y a toujours moyen de trouver des consensus, pour qu’en cas de crise, la production qui est faite au Mali puisse servir et les maliens et les libyens. »

Selon M. Coulibaly, la Libye est en train de tout acheter avec ses ressources pétrolières. Il prévient que l’utilisation de la terre agricole, ce n’est pas n’importe quoi. Il dit qu’il faut être très prudent parce que c’est la « souveraineté alimentaire de demain » qui peut être compromise.

Bien que les paysans s’opposent à la présence de la compagnie libyenne, les administrateurs de l’Office du Niger veulent attirer d’autres investisseurs étrangers, tels que les pays du Golfe, la Chine, l’Inde et l’Europe.

En plus du canal d’irrigation, Malibya construit des routes pour se rendre sur les terres louées. Quelques Maliens ont ainsi trouvé un emploi et sont contents. Mais d’autres disent que les agriculteurs maliens sont en train de devenir de simples ouvriers sur des terres agricoles octroyés à des étrangers, dans leur propre pays.