1. L’appropriation de terres arables en Afrique: un aperçu de la situation

| juin 8, 2009

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Certains disent qu’un second partage de l’Afrique vient de commencer; une ruée vers les meilleures terres agricoles en Afrique, faisant craindre une nouvelle forme de colonialisme. Mais d’autres disent que l’intérêt des étrangers pour l’appropriation de terres agricoles pourraient générer des bénéfices pour les communautés rurales, si seulement on leur donnait plus de pouvoir décisionnel concernant l’achat ou la location de leurs terres agricoles. Mais, ce n’est présentement pas le cas. Au contraire, cette récente tendance à s’accaparer des terres agricoles rend les travailleurs et communautés agricoles plus susceptibles de perdre leur accès à la terre et à la production locale.La récente crise des prix alimentaires a causé une augmentation du nombre d’acquisitions de terres agricoles de pays en développement par d’autres pays ou compagnies privées qui cherchent à assurer une sécurité alimentaire pour leur propre peuple ou simplement à faire des profits.

La FAO estime que d’ici l’an 2050, la consommation mondiale de nourriture aura doublé. Paul Mathieu travaille pour la FAO. Il dit que l’instabilité des marchés financiers, l’insécurité alimentaire et l’augmentation de la demande pour les biocarburants alimentent les spéculations autour de la valeur des terres, d’où un engouement accru par des investisseurs pour l’achat de terres agricoles.

Selon Jean-Yves Carfantan, un économiste et auteur d’un livre intitulé Choc Alimentaire Mondial, cinq pays se distinguent par l’importance de leurs acquisitions de terres arables à l’extérieur de leurs frontières: la Chine, la Corée du Sud, les Emirats Arabes Unis, le Japon et l’Arabie Saoudite. Ces cinq pays possèdent aujourd’hui, à eux tous, plus de 7,6 millions d’hectares de terres arables à l’extérieur de leur territoire national.

L’histoire de l’appropriation de terres agricoles en Afrique a commencé à se faire connaître du public avec le cas récent de Madagascar. La compagnie sud-coréenne Daewoo Logistics souhaitait louer la moitié des terres arables de Madagascar pour une période de 99 ans. Suite à des manifestations massives de la population malgache et à l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président, qui avait promis d’annuler cette transaction, Daewoo n’a pu obtenir les vastes étendues de terres qu’elle convoitait. Mais, selon certains rapports, la compagnie ne lâche pas prise pour autant. Daewoo aurait simplement changé de nom, se faisant maintenant appeler « Madagascar Tsako SARLU ». Sous ce nouveau nom, elle tenterait maintenant d’acquérir 10000 hectares de terres dans le district de Vohémar, dans la région du Sava, avant la prochaine saison culturale du maïs, soit novembre 2009. Ces terrains sont actuellement exploités par des planteurs de vanille.

Ce n’est pas seulement à Madagascar que des investisseurs cherchent à se faire des profits dans le secteur de la production agricole. En effet, il s’avère qu’il y a une multitude de cas similaires, un peu partout en Afrique. GRAIN, une ONG international, a fait une compilation des diverses tentatives d’accaparement de terres de par le monde.
Prenons par exemple le Soudan. Selon le rapport de l’ONG GRAIN, la Hail Agricultural Development Company (HADCO), une firme privée saoudienne d’agrobusiness, aurait loué quelques 10000 hectares de terres pour 95 millions de dollars américains (environ 68 million d’euros), au nord de Khartoum, la capitale soudanaise. Les denrées produites sur ces terres sont destinées à l’exportation vers l’Arabie Saoudite.

En Ouganda, il y a un autre type d’appropriation qui se fait de gouvernement à gouvernement. L’Egypte aurait loué 800000 hectares de terres pour la production de blé et de mais ainsi que pour l’élevage de vaches. Tous les produits de ces activités sont destinés à l’exportation vers l’Egypte.

On peut aussi citer l’exemple de la Chine qui aurait signé des accords avec la Zambie, le Zimbabwe, l’Ouganda et la Tanzanie, stipulant que d’ici à 2010, un million de paysans chinois seraient installés sur des terres de chacun de ces pays, afin de produire du riz. Le gouvernement chinois dit que ces agriculteurs expatriés augmenteront la production dans les pays d’accueil. Mais, selon M. Carfantan, il est clair qu’une bonne partie de la production garantira l’approvisionnement du marché chinois.

Michael Taylor est chargé de programme pour l’Afrique avec l’International Land Coalition. Il entrevoit une augmentation de la location et de l’achat de terres africaines. Cependant, il demeure relativement optimiste car il pense que de plus en plus, les investisseurs étrangers se rendront compte qu’il n’est pas dans leur intérêt d’acheter ou de louer de grandes parcelles de terres sans consulter les populations locales. Car même si un gouvernement dit « oui » à l’achat ou la location d’une terre, la société étrangère ou le gouvernement étranger ressentira, au niveau local, le mécontentement des populations qui auront été déplacées. Le cas de Daewoo est un bon exemple de ce mécontentement local.