Nelly Bassily | décembre 7, 2009
Pendant des siècles, des agriculteurs comme Berhanu Gudina s’occupaient de petites parcelles de culture de maïs, de blé et d’orge, au milieu de plaines verdoyantes, dans les régions centrales de l’Éthiopie. Mais maintenant, M. Gudina dit qu’il voit des ressortissants de l’Inde et de la Chine cultiver ces mêmes terres. « Avant, dit-il, c’était juste des locaux qui cultivaient ces terres. Que font-ils ici? Cherchent-ils à nous voler nos terres? Notre gouvernement est en train de vendre notre pays aux Asiatiques pour qu’ils puissent gagner de l’argent pour eux-mêmes. »
L’Éthiopie n’est pas le seul pays d’Afrique de l’Est qui négocie des ventes de terres et l’Inde et la Chine ne sont pas les seuls pays qui veulent des terres en Afrique de l’Est. Lors d’une réunion tenue le mois dernier à Addis-Abeba, la capitale de l’Éthiopie, des autorités et des entrepreneurs en provenance d’Arabie Saoudite ont rencontré les chefs d’État de sept pays d’Afrique de l’Est. Ce premier forum économique Saoudien-Est Africain visait à renforcer la coopération économique.
L’Arabie saoudite ainsi que d’autres pays importateurs de denrées alimentaires veulent des terres en Afrique de l’Est parce que la région offre de riches terres agricoles, une main-d’œuvre bon marché et un climat favorable à l’agriculture où ils peuvent produire des denrées alimentaires pour ensuite les exporter vers leur pays d’origine. En même temps, ils soutiennent qu’ils améliorent la sécurité alimentaire des populations locales.
Eseyas Kebede est responsable de l’Agence pour l’investissement agricole, en Éthiopie. Il suggère que « les petits agriculteurs ne produisent pas des denrées de qualité comme ils le devraient parce qu’ils n’ont pas la technologie appropriée. » Au vu de cette analyse, l’Agence pour l’investissement agricole parle d’offrir aux agriculteurs étrangers trois millions d’hectares de terres éthiopiennes dans les deux prochaines années.
Mais l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) désapprouve cette idée. L’AFSA représente des petits exploitants agricoles, des éleveurs, des chasseurs et des cueilleurs, et les populations autochtones à travers toute l’Afrique. L’Alliance exhorte les dirigeants africains à rejeter ce qu’ils appellent « la prise de contrôle des terres africaines et des systèmes de production alimentaire. » L’AFSA affirme que les gouvernements africains actuels n’en font pas assez pour protéger la souveraineté alimentaire, la biodiversité et les sources de revenus de ses populations.
Il est particulièrement inquiétant que les pratiques agricoles à grande échelle typiquement prévues par les investisseurs étrangers vont non seulement réduire la sécurité alimentaire au plan local, mais vont aussi accroître les émissions de carbone qui ont un impact sur le changement climatique. L’AFSA craint aussi que certaines propositions faites pour contrer les effets du changement climatique n’encouragent davantage les appropriations de terres et n’érodent encore plus la souveraineté alimentaire en Afrique. Ces propositions incluent: commerce du carbone, biocarburants et biochar. L’AFSA a aussi exigé des actions concrètes qui prioriseraient l’agriculture à petite échelle, suite aux rencontres sur le changement climatique qui se dérouleront à Copenhague (au Danemark) cette semaine.
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