RDC : Quand la déforestation est à l’origine des effets dangereux au grand dam des agriculteurs (Global Press Journal)

| octobre 10, 2021

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Nouvelle en bref

En décembre dernier, en un après-midi ordinaire, une demi-douzaine de bûcherons de Katwa, un village du territoire de Lubero, à l’est de la RDC, se dandinaient et chantaient dans la forêt pendant que des bergers gardaient des moutons et des chèvres non loin. Les bûcherons tentent simplement de gagner leur vie, mais la DRC est de plus en plus ravagée par la déforestation. Les feux de brousse et l’agriculture itinérante sur brûlis font partie des causes, outre la production de charbon, l’élevage de bétail et l’exploitation forestière à petite échelle, pratiquée souvent de manière illégale. S’en suit une déforestation qui fait en sorte qu’il n’y a plus d’arbres pour absorber le gaz carbonique, un gaz à effet de serre considéré comme un facteur majeur du changement climatique. Le résultat c’est que les saisons agricoles autrefois prévisibles ont quasiment disparu. Les cultures de haricot et de maïs en souffrent le plus, et, par conséquent, les consommateurs doivent payer plus cher pour les denrées de base.

En décembre dernier, lors d’un après-midi ordinaire, une demi-douzaine de bûcherons de Katwa, un village du territoire de Lubero dans l’est de la RDC, se balançaient et chantaient dans la forêt. Non loin d’eux, des éleveurs gardaient des moutons et des chèvres. On entend le vrombissement des tronçonneuses et le retentissement des coups de hache. Des arbres s’écrasent au sol.

À première vue, les bûcherons ne font que gagner leur croûte. Pourtant, à mesure qu’ils dépouillent cette forêt de ses arbres, ils accélèrent aussi le changement climatique et mettent des bâtons dans les roues des agriculteurs(trices) et d’autres personnes qui comptent sur la situation climatique pour gagner leur subsistance.

Des scènes de ce genre se retrouvent partout dans ce vaste pays. Jadis considérée comme « le deuxième poumon de la planète » grâce à l’immensité de ses forêts tropicales, la RDC se retrouve de plus en plus ravagée par la déforestation.

Kasereka Kopokopo est un agriculteur âgé de 38 ans. Il affirme que les saisons culturales, autrefois prévisibles, se sont éclipsées face au changement climatique à Katwa et dans ses environs. Cette situation a affaibli la production agricole qui, à son tour, a entraîné dans son sillage une hausse des prix des denrées alimentaires. Sa terre produisait chaque saison 100 kilogrammes de haricots. Aujourd’hui, il ne récolte que 30 kilogrammes.

Monsieur Kopokopo déclare : « La prolongation, tantôt de la saison pluvieuse, tantôt de la saison sèche nous plonge dans une confusion. Nous ne savons plus la période exacte de semis. »

En RDC, les forêts couvrent environ 50% de la superficie du pays. Pays le plus diversifié du continent sur le plan de la biodiversité, la RDC est également le pays où se niche plus de la moitié des forêts tropicales d’Afrique. Dans ces forêts, on y trouve 1 150 espèces d’oiseaux, ainsi que plus de 3 200 types d’animaux qui ne sont présents qu’en RDC, en passant par l’okapi (proche parent de la girafe) jusqu’au bonobo (un type de chimpanzé).

Au cours des 25 dernières années, la déforestation s’est grandement accélérée dans le pays. Les forêts du pays ont décru de plus de 300 000 hectares par an et, de l’avis des spécialistes, ce chiffre ne cesse d’augmenter, selon l’Association Technique Internationale des Bois Tropicaux.

Cela est dû, entre autres, aux incendies de forêt et à la culture sur brûlis, auxquelles s’ajoutent la production de charbon de bois, l’élevage de bétail et l’exploitation forestière à petite échelle, souvent illégale.

Il y a vingt ans, le territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu, était connu pour ses forêts et ses terres boisées. Certaines de ces aires ont laissé place à des fermes et des exploitations agricoles, tandis que certaines terres forestières sont aujourd’hui parsemées de rangées de souches d’arbres.

De petits exploitants forestiers ont envahi la région et le prix du bois qui variait entre deux et cinq dollars coûte maintenant entre 10 et 100 dollars. Cela a attiré encore plus d’exploitants forestiers. Et plus la valeur du bois augmentait, plus la forêt se faisait dépouiller de ses arbres.

La déforestation s’en est suivie, ce qui veut dire que les arbres n’étaient plus là pour absorber le dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre connu pour être l’une des principales causes du changement climatique. Au cours de la dernière décennie, affirme l’écologiste Kasereka Wasakundi, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté, car la déforestation n’a pratiquement pas été contrôlée, malgré les réglementations en vigueur en RDC.

Selon Wasakundi, la déforestation pourrait représenter jusqu’à 70 % des perturbations des saisons culturales en RDC.

Autrefois, confie l’agronome Kakule Kwiravusa Jérémie, les saisons des pluies duraient de février à mars et d’août à octobre. « Aujourd’hui, il arrive que l’on ait des mois de grande sècheresse. La période de la saison pluvieuse et celle de la sécheresse ne sont plus distinctes. »

Le haricot et le maïs ont été le plus durement touchés. Marceline Kavira, 37 ans, cultive des haricots, du manioc et des pommes. À l’en croire, elle avait l’habitude de produire 45 kilogrammes de haricots par saison, mais au cours de chacune des deux dernières années, elle n’a récolté que six kilogrammes.

En d’autres termes, les consommateurs(trices) paient plus cher pour avoir des denrées alimentaires de base. Muhindo Mboghoto Ezéchias, enseignant âgé de 30 ans, explique que 1,5 kilogramme de haricots s’achetait à 600 francs congolais (0,30 $ US). Aujourd’hui, il coûte entre 1 500 francs et 2 500 francs (0,74 $ – 1,23 $ US), « selon les caprices des saisons. »

Les exploitants forestiers, eux, ont des avis ambivalents. Autrefois agriculteur, Musubaho Wandavakuti, 37 ans, affirme que l’exploitation forestière lui permet de subvenir aux besoins de sa femme et de ses quatre enfants. Mais cela n’est pas sans inconvénient.

Monsieur Wandavakuti déclare : « Nous trouvons que [l’exploitation forestière] est bénéfique », témoigne-t-il. « Nous gagnons du charbon de bois, des planches et du bois de chauffage. C’est ça notre vie. »

Néanmoins, il ajoute : « L’abattage des arbres peut nous conduire à la désertification, au manque d’oxygène et à l’extinction des arbres et des animaux. »

Monsieur Kopokopo possède près d’un demi-hectare à Katwa, bien qu’il ait d’autres champs ailleurs, où il cultive des produits tels que le manioc. Cela lui permet de rester dans l’agriculture. Malgré ça, affirme-t-il, les autres agriculteurs(trices) et lui se sentent impuissants.

Il ajoute : « Que les agronomes nous apprennent comment nous adapter à cette perturbation saisonnière », dit-il, « avant que les choses ne s’aggravent. »

La présente nouvelle est inspirée de l’article « Quand la déforestation est à l’origine des effets dangereux au grand dam des agriculteurs » écrit par Merveille Kavira Luneghe et publié par Global Press Journal. Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur : https://globalpressjournal.com/africa/democratic-republic-of-congo/farmers-confront-falling-yields-deforestation-speeds-climate-change/fr/.

Photo : Charles Kasereka, en rouge, et Richard Kakome scient à travers un arbre sur une colline du territoire de Lubero. Crédit : Merveille Kavira Luneghe, GPJ RDC.