Entretien avec la journaliste tanzanienne Koleta Makulwa, lauréate d’un prix pour les reportages scientifiques

| avril 30, 2018

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Koleta Makulwa est journaliste d’enquête et réalisatrice de radio à Radio Free Afrika, à Mwanza, au nord de la Tanzanie. Elle a reçu un prix international en journalisme scientifique en 2017 décerné par l’Open Forum on Agricultural Biotechnology in Africa (Forum ouvert sur les Biotechnologies Agricoles en Afrique) pour son travail à la radio. Dans cette interview accordée à Barza infos, madame Makulwa parle de quelques-unes des satisfactions et des difficultés du métier de journaliste qu’elle exerce depuis une décennie.

Comment en êtes-vous arrivée à envisager une carrière dans le journalisme?

Depuis que je suis toute jeune, j’aime le journalisme. Je suis écrivaine aussi. À l’école, j’écrivais des pièces de théâtre…. [Maintenant], j’écris sur la science et les technologies agricoles. J’écris aussi des articles d’investigation sur la santé et l’industrie, en plus de réaliser et animer des émissions radiophoniques.

Quelles sont certaines des difficultés majeures que vous rencontrez en tant que journaliste?

Je n’ai pas le soutien des autorités, surtout pour équilibrer mes articles…. [Parfois], je n’arrive pas à toucher les gens qui sont dans le besoin, les gens qui ont moins de voix dans la société, les gens qui dépendent de nous pour pouvoir exprimer leurs opinions. Souvent, il est très difficile de joindre les agriculteurs dans les villages pour avoir leurs points de vue.

En Tanzanie, il y a moins de femmes que d’hommes journalistes. Quelles en sont les raisons selon vous?

Il y a beaucoup de femmes qui étudient en journalisme, mais qui ne l’exercent pas. Vous devez faire un effort supplémentaire; vous devez utiliser votre propre argent pour obtenir un article, recueillir les voix des personnes dans le besoin. Beaucoup de filles délaissent le journalisme à cause de ces difficultés. Les sources d’information sont peu nombreuses, et on manque de connaissances sur le journalisme d’investigation, ainsi que sur la conception et l’élaboration de leurs propres sujets. De nombreuses filles aiment participer à la présentation en studio, mais elles n’aiment pas aller sur le terrain pour recueillir des témoignages.

Qu’est-ce qui vous motive à poursuivre ce travail?

Ce qui me motive à faire ce travail, c’est le sentiment de pouvoir toucher les personnes sans voix, et de les aider à faire entendre leurs voix pour trouver des solutions à leurs problèmes. Par exemple : j’ai fait un article d’investigation sur l’industrie du coton à Morogoro [à 200 kilomètres de Dar es Salaam, la première ville de la Tanzanie], et j’ai découvert que des employés s’étaient blessés au travail, mais la société a refusé de leur apporter une assistance médicale. Je les ai aidés à faire entendre leurs voix et en fin de compte ils ont obtenu l’aide dont ils avaient besoin.

Quelle est la chose la plus importante que vous avez apprise en tant que radiodiffuseuse?

Une chose importante que j’ai apprise en tant que radiodiffuseuse c’est qu’il faut être proche de ceux qui sont dans le besoin. Lorsque je rends visite aux agriculteurs et aux agricultrices dans les villages, ils sont très contents. Ce n’est pas comme quand vous restez dans les bureaux en ville, à écrire sur les séminaires et les réunions. Je crois que les gens dans les villages ont besoin des journalistes davantage que les citadins. Je me dévoue à aider les personnes sans voix en m’assurant que leurs voix parviennent aux autorités.

Pouvez-vous décrire un moment où vous avez remarqué que vos émissions radiophoniques avaient un impact sur votre communauté?

Parfois, lorsque certaines maladies attaquaient le maïs et le manioc, je constatais les résultats que produisaient mes émissions. Les agriculteurs et les agricultrices recevaient des conseils pour combattre les ravageurs et les maladies, et grâce à la radio aussi ils pouvaient avoir accès aux agent(e)s de vulgarisation agricole. Je me sentais vraiment fière quand je voyais que mon émission les avait aidés.

L’émission agricole de Koleta Makulwa s’intitule Inuka (« Levez-vous » en swahili). Elle passe le dimanche à 19 h sur Radio Free Afrika à Mwanza. Radio Free Afrika est un partenaire de Radios Rurales Internationales.