Sénégal : L’accès à l’eau limite les activités maraîchères

| mai 13, 2019

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Assise sous un baobab à l’entrée du village de Mbidieum Lébou, Fary Diop s’affaire à mettre des cacahuètes grillées en petits sachets. La dame de 50 ans est si concentrée sur sa tâche qu’elle semble indifférente au vent frais et chargé de poussière qui balaie le village dans la commune de Djender, à 70 kilomètres de Dakar, la capitale sénégalaise.

Si elle supporte le vent, ainsi que le sable et la poussière qu’il charrie, c’est parce qu’elle espère vendre ses sachets d’arachides aux passant(e)s et avoir de quoi assurer ses dépenses quotidiennes. Madame Diop allie son activité de maraîchage à celle de la vente de cacahuètes parce qu’elle n’a plus assez d’eau pour subvenir aux besoins de sa famille en cultivant son petit périmètre.

La nappe phréatique de la zone, accessible à sept ou quinze mètres il y a encore quelques années, est désormais à plus 35 mètres de profondeur. Il s’agit d’un effet du changement climatique en ces lieux où pas moins de 14 forages pompent la nappe des Niayes en continu pour alimenter Dakar.

Nostalgique, madame Diop explique qu’il y a quelques années, elle pouvait cultiver son jardin toute l’année. Elle témoigne qu’il lui suffisait de creuser quelques mètres pour trouver de l’eau et arroser son champ sans utiliser de pompe. Ses camarades et elle ne dépendaient pas de l’eau de pluie seulement. Mais aujourd’hui, elles font appel à des puisatiers pour pouvoir creuser davantage, une initiative qui n’est pas à la portée de tous.

En plus de cultiver en toute saison, les récoltes se succédaient, ce qui permettait aux maraîchères d’avoir des produits à vendre presque toute l’année et d’être financièrement indépendantes.

Depuis trois mois, madame Diop n’a plus de rentrée d’argent, car les choux qu’elle avait plantés n’ont pas bien poussé par manque d’eau. Découragée, elle préfère rester à la maison et vendre des arachides en attendant la saison des pluies qui, elle aussi, est de moins en moins généreuse.

Les maraîchères de la zone des Niayes souffrent actuellement de la politique de l’État principalement orientée vers la production d’eau de consommation, mais qu’il s’agit pourtant du principal grenier horticole du pays. La région fournit à elle seule 60 % des fruits et légumes du Sénégal, selon les données de la Fédération des agropasteurs de Djender qui regroupe plus de 3 000 agriculteurs et agricultrices de cette commune.

Les forages dans cette zone peuvent pomper 30 millions de litres d’eau par jour, soit en 16 jours l’équivalent du besoin en eau de toute l’année de la zone agricole de Djender et Kayar, selon le rapport d’une rencontre d’information tenue à Djender.

Cependant, outre l’alimentation de Dakar en eau potable, il y a également dans la région des exploitants industriels qui pompent les eaux souterraines. Ibrahima Seck est coordonnateur de la Fédération nationale des agriculteurs biologiques qui fait la promotion de l’agriculture biologique au Sénégal. Il affirme que la cimenterie Dangote utilise une vaste quantité d’eau pour refroidir ses machines.

Ami Samba est aussi maraîchère dans cette région. De sa terre, on aperçoit des champs parsemés d’herbes hautes desséchées. Sous le soleil, elle ne baisse pas les bras et effectue des va-et-vient entre un puits et ses pieds de persil. À côté de sa petite parcelle se trouvent des pieds de poivrons complètement desséchés par le soleil. Selon madame Samba, la propriétaire s’est découragée et ne vient plus cultiver.

Pour pouvoir arroser une partie de sa parcelle, elle doit payer des personnes pour qu’ils creusent plus profondément. Mais même avec cette solution, elle est obligée de patienter le temps de permettre à la nappe de remonter pour pouvoir arroser.

Certaines maraîchères passent toute une journée à attendre la montée du lit. D’autres se partagent le peu d’eau que l’une d’entre elles a dans son puits. Résignées face à la situation, les femmes du village de Mbidieum Lébou ne sont pas convaincues que le gouvernement les tirera d’affaire pour leur permettre de retourner dans leurs champs. En attendant, elles essayent de se reconvertir dans une autre activité, mais les jeunes hommes de la région optent pour plus pour l’exode vers les centres urbains ou même des pays étrangers.

Cette nouvelle a été produite avec l’appui financier du gouvernement du Canada agissant par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.