Burkina Faso : Des élèves marchent pour protester contre le mariage des enfants et les grossesses précoces

| mars 25, 2019

Téléchargez cette nouvelle

Comme tous les jours de classe, Alice Soré Wendlassida se réveille à 6 h 30. Quinze minutes après, cette fille de 15 ans enfourche son vélo pour rejoindre le Lycée Kiswendsida de Kaya, à 100 kilomètres, au nord-ouest de Ouagadougou, la capitale burkinabé. Après son cours de français et un devoir de sciences, c’est le moment du repos pour tous les élèves. Mais aujourd’hui, Alice a l’intention de participer à une marche de protestation.

Ils sont environ 2 000 élèves, filles et garçons de 6 à 17 ans, au départ de la marche de protestation contre le mariage des enfants et les grossesses précoces.

Pour Alice, c’est une question qui lui tient à cœur. Elle se souvient d’une de ses amies restées à Dibilou, son village d’origine, qui a été donnée en mariage. Elle déclare : « Alimata a 15 ans, comme moi. Elle a été donnée en mariage. Quand tu dis aux vieux que cette pratique est à bannir, on te traite d’irrespectueux. Je veux que ça change. C’est ce qui m’a poussée à m’engager pour cette marche. »

C’est encore plus personnel pour une autre jeune à la marche. Zénabo Sawadogo explique son expérience : « Mon père m’a chassée de la maison quand je suis tombée enceinte à 16 ans. Aujourd’hui, j’ai réintégré la famille et j’apprends la couture, mais ça a été très difficile. »

Elle ajoute qu’elle a un message pour les autres jeunes : « Je conseille à mes camarades de s’abstenir des relations sexuelles ou d’utiliser les méthodes contraceptives. »

Mais, aujourd’hui, ces 2 000 jeunes partagent leur message au gouvernement et à la communauté. Vers 16 h, sous un soleil encore brûlant, les adolescent(e)s de treize établissements du primaire et du secondaire de la ville de Kaya marquent le pas au rythme d’une fanfare.

À certains moments durant la marche, des milliers de voix s’unissent pour scander des slogans : « Les mariages d’enfants… on n’en veut pas ! », « Non aux grossesses en milieu scolaire ! », « Les parents irresponsables… à bas ! », « L’éducation et la protection des enfants… En avant! »

Ils attirent l’attention et les regards sur leur passage, du Rond-point de la Femme, en passant par le grand marché. Après environ deux kilomètres dans des artères de la ville, les marcheurs et les marcheuses, les pieds poussiéreux, les visages empreints de fatigue, arrivent à destination, sur l’Esplanade du Gouvernorat. Plusieurs représentants du gouvernement les attendent, dont la gouverneure de la région du Centre-Nord, le haut-commissaire de la province du Sanmatenga et le maire de la commune de Kaya. La marche a été organisée par la direction régionale responsable de la famille et des questions sociales, sur financement de Plan International Burkina Faso.

Pour la lecture de leur message, une fillette à l’air timide avance de quelques pas, laissant ses camarades derrière elle. Il s’agit d’Alice. Face aux plus hautes autorités administratives de la région, la jeune fille présente un triste tableau des violences faites aux enfants dans la région du Centre-Nord.

Elle lève sa voix, déclarant : « Madame la Gouverneure, entre janvier 2016 et mars 2018, 385 cas de mariages ou tentatives de mariage d’enfants ont été enregistrés. Quant aux grossesses précoces, 155 cas ont été enregistrés chez des enfants de 10 à 16 ans dans seulement 50 lycées et collèges, et 11 cas dans cinq écoles primaires de la région du Centre-Nord pendant l’année scolaire 2017-2018. »

En réponse, la gouverneure Nandy Somé Diallo rappelle que la législation a été récemment renforcée par un alourdissement des peines à l’encontre du personnel enseignant adulte qui enceinte les élèves. Madame Somé ajoute que les textes seuls ne suffisent pas : « Écoutez les conseils de vos parents pour ne pas tomber dans le piège des grossesses précoces. »

Concernant le mariage des enfants, madame Somé prend un engagement : « Nous allons interpeler l’ensemble des composantes de la communauté afin de mettre fin à cette pratique dans la région. »

Des applaudissements nourris accompagnent ses mots à la fin de ce moment solennel.

Plus tard, la place du Gouvernorat s’est vidée de son monde, mais Alice est encore là. Satisfaite d’avoir participé à cette marche, elle explique qu’elle rencontre parfois des jeunes filles enceintes à l’école et qu’elle compatit à leur douleur, car la vie n’est pas facile pour les adolescentes enceintes.

Elle sait que ce sera une longue lutte pour voir des changements au niveau des statistiques sur le mariage des enfants ou les grossesses précoces, mais elle rêve de devenir agente de l’action sociale pour jouer un rôle actif dans cet effort continu.

Cette nouvelle a été produite avec l’appui du gouvernement du Canada dans le cadre du projet « Promouvoir la santé et les droits sexuels et reproductifs et la nutrition des adolescents au Burkina Faso » (ADOSANTE). Le projet ADOSANTE est piloté par un consortium formé par Helen Keller International (HKI), Marie Stopes-Burkina Faso (MS/BF), Radios Rurales Internationales (RRI), le Centre d’information de Conseils et de Documentation sur le Sida et la Tuberculeuse (CICDoc) et le Réseau Afrique Jeunesse Santé et Développement (RAJS).