Congo : Des agriculteurs utilisent des feuilles de bulukutu pour protéger leurs récoltes contre les insectes

| février 19, 2018

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Assis à même le sol, Loufouma Kaison utilise un petit couteau pour éplucher des tubercules de manioc. Il forme des tas de petits morceaux dans un endroit désherbé de son champ avant de les mettre dans des sacs.

Au milieu des mouvements des herbes balayées par le vent léger, il se sent en confiance. Les fourmis qui se promènent tout autour ne semblent pas le déranger.

Le jeune agriculteur de 28 ans possède un champ d’un hectare dans le département de Bouenza, au sud-ouest du Congo. Il cultive du manioc qu’il transforme en farine de foufou et qui sert à la préparation d’un plat local très prisé. Cependant, il y a quelques années, il a perdu une grande quantité de sa récolte à cause des insectes.

Il explique : « Je mettais de la cendre dans les sacs. Mais ça ne marchait pas du tout, j’ai perdu mes récoltes, elles se gaspillaient beaucoup. »

Monsieur Kaison ne trouvait aucune solution jusqu’au jour où il se souvînt des feuilles de bulukutu ou bissaka mbou comme on les appelle à Bouenza, et qui signifie littéralement « ce qui chasse les moustiques. » Le nom scientifique du bulukutu est Lippia multiflora. Cette plante pousse dans la savane congolaise, et on la récolte généralement en milieu sauvage plutôt que dans des champs.

Les parents de monsieur Kaison employaient ces feuilles pour protéger leurs sacs de haricot, de petits pois séchés et d’autres denrées contre les insectes affamés.

Il déclare : « J’ai appris de mes parents que les feuilles de bulukutu chassent tout insecte nuisible dans les réserves des petits pois séchés. C’est pour cela que j’en utilise. Dans un sac de haricot, de maïs et même d’arachides, je disperse à l’intérieur des feuilles du thé bulukutu puis je ferme. Depuis j’ai aussi commencé à les mettre dans le sac de foufou. J’en mets au moins cinq paquets [dans chaque sac]. L’odeur de ces feuilles va remplir tout le sac et aucun insecte ne peut y pénétrer. »

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Les insectes nuisibles n’attaquent plus son manioc entreposé, et il n’enregistre plus de perte. Il peut conserver ses récoltes pendant un an sans que les insectes les détruisent.

Nkoula Anne Marie est une agricultrice de 53 ans dont le champ est tout près de celui de monsieur Kaison. Des insectes nuisibles ont rongé une partie de sa récolte de petits pois et de haricots.

Elle déclare : « Le bissaka mbou est une aubaine pour nous ici dans la Bouenza. Outre le fait qu’on le prend chaque matin comme thé, il nous aide beaucoup comme insecticide. J’introduis ces feuilles dans les sacs de maïs, de foufou et de haricots … les insectes n’osent plus pénétrer dans les sacs. »

Dans chaque sac de 10 à 20 kilogrammes, madame Nkoula place cinq à six tiges feuillues de bulukutu. Elle met jusqu’à 10 tiges dans les sacs de 50 kilogrammes, puis les referme avec des fils de fer ou de nylon.

Fulbert N’Senda est ingénieur de développement agricole au ministère de l’Agriculture et de l’Élevage du Congo. Il affirme que le Lippia multiflora contient une huile composée de camphre et de bornéol, qui agit comme un insecticide puissant et efficace.

Il déclare : « Le bulukutu est un produit diurétique qui dégage une odeur qui repousse les insectes, tout comme la citronnelle. Les insectes ne supportent pas son essence. En mettant ces feuilles dans la production, elles dégagent l’odeur qui envahit les haricots, le manioc ou l’arachide, et du coup les insectes fuient. »

Monsieur N’Senda ajoute que l’utilisation des feuilles de bulukutu est une technique naturelle pour éloigner les insectes, et n’a aucun effet secondaire pour l’homme ou les denrées entreposées. Il recommande aux agriculteurs et aux agricultrices de placer également des feuilles dans leurs greniers pour éloigner les insectes nuisibles du maïs ou d’autres récoltes de denrées.

Photo: Loufouma Kaison