Mali : Une nouvelle loi offre une lueur d’espoir pour les droits fonciers des femmes (Trust)

| février 20, 2017

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Aminata Berthé arrose une parcelle de laitue aménagée sur son exploitation agricole dans un village situé non loin de Bamako, la capitale malienne. Vêtue d’une longue tunique blanche, elle déclare : « Je suis la première dans la maison à me réveiller et la dernière à me coucher. »

Cela fait trois ans qu’elle cultive cette terre en tant que membre d’une coopérative de maraîchères, mais elle ne peut être propriétaire de cette terre. Elle explique : « La terre sur laquelle nous cultivons appartient au mari d’un des membres de la coopérative. »

Dans la société malienne, ce sont les hommes qui ont en premier le droit d’avoir accès à et d’exercer un contrôle sur la terre, et c’est eux qui décident sur quelles parties, le cas échéant, les femmes peuvent cultiver. Les conditions climatiques de plus en plus mauvaises, ainsi que la pluviosité aléatoire et les sécheresses prolongées, accentuent la concurrence pour l’occupation des terres, ce qui pousse les hommes à empiéter sur les terres agricoles traditionnellement utilisées par les femmes.

Mais les choses pourraient changer. Cette année, le gouvernement pourrait adopter une nouvelle loi qui mettrait de côté une partie des terres publiques pour les femmes.

Siriman Sakho travaille comme spécialiste en développement rural auprès d’une organisation qui représente les agriculteurs maliens. Il affirme que le projet de loi a été examiné avec les associations paysannes, y compris la Fédération nationale des femmes rurales du Mali.

Il affirme que cette nouvelle loi pourrait accorder aux femmes l’accès à 10 % des terres publiques, moyennant une contribution annuelle de 65 000 FCFA [105 $US] pour chacune d’elle. Le reste des terres publiques pourraient continuer à être cultivées aussi bien par des hommes que des femmes.

Selon le code malien de la famille, les femmes doivent obéir à leurs époux qui sont considérés comme les chefs de famille. M. Sakho déclare : « Cela signifie que les femmes peuvent perdre la terre sur laquelle elles cultivent lorsque leur mari, leur frère ou leur père décide de vendre l’exploitation familiale. »

Bakary Togola est le responsable d’une association paysanne qui défend ce projet de loi. Il déclare : « Comme le climat change, l’agriculture doit changer aussi… Comment pouvons-nous améliorer nos rendements lorsque la plupart des agriculteurs, et surtout les femmes, n’ont pas le droit de posséder une terre? »

Oumou Bah est la ministre de la Promotion des femmes, des enfants et de la famille. Elle est du même avis que M. Togola. Lors d’un événement organisé à Bamako, en décembre, elle a déclaré que le fait de donner la possibilité aux femmes d’avoir accès à la terre améliorerait non seulement leurs conditions de vie, mais également l’économie du pays, étant donné qu’une grande partie de la main-d’œuvre pourrait jouir d’une grande autonomie financière.

Elle déclare : « L’amélioration de l’accès aux femmes à la terre leur permettra de produire une plus grande variété de cultures telles que le gombo et la tomate, en plus des cultures de base qu’elles produisent généralement sur les terres de leurs époux, à l’instar des céréales. »

Mme Bah ajoute que la production d’une plus grande variété de denrées pourrait permettre aux familles de diversifier leurs repas et venir ainsi à bout de la malnutrition.

Mme Sakho affirme que le projet de loi devrait être adopté, car les groupes religieux n’exercent aucun contrôle sur les terres publiques. Il ajoute : « La présence quotidienne de fonctionnaires qui surveillent les terres dissuadera les hommes d’envahir celles-ci. »

Ousmane Touré est sociologue à Bamako. Selon lui, la nouvelle loi ne changera pas la façon dont les familles gèrent leurs propres terres. Il évoque une réforme du Code de la famille, proposée en 2009, qui visait à modifier le système d’héritage et l’âge du mariage, entre autres choses. Les groupes islamistes se sont opposés aux réformes qui ont finalement été adoptées, sans pour autant améliorer les droits des femmes. Il ajoute : « Si la loi essaie à nouveau de s’en prendre à la terre familiale, elle échouera. »

En attendant, Mme Berthé et ses collègues agricultrices espèrent pouvoir poursuivre leurs activités agricoles, avec l’autorisation du propriétaire terrien bien évidemment. « Mais, » poursuit-elle : « Il se peut que nous soyons obligées d’abandonner la terre si le propriétaire décide de la vendre. »

Le présent article est inspiré d’un article du quotidien Trust, intitulé « La nouvelle loi : une lueur d’espoir pour les droits fonciers des femmes au Mali. » Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur : http://news.trust.org/item/20170130105205-ni408

 

Photo: Les agricultrices à Katibougou, Mali. Credit: TRF/Soumaila Diarra